Madame la Députée, Monsieur le
Député,
Vous examinerez prochainement à
l’Assemblée le projet de loi de santé 2015. En tant que parent d’un enfant
handicapé, je tiens à vous faire part de mon inquiétude à la lecture de
l’amendement n°AS1488 et je vous demande instamment de bien vouloir voter
contre cet amendement. En effet, cet amendement, s’il est voté, signera un
grave recul des droits des personnes handicapées, en permettant que
l’orientation des personnes handicapées ne soit plus réellement fondée sur
leurs besoins.
Cet amendement prévoit que la MDPH
(Maison Départementale des Personnes Handicapées) pourra, en cas de besoin
lorsqu’elle instruit le dossier d’une personne, réunir un «groupe opérationnel
de synthèse» incluant des gestionnaires d’établissements et services notamment
sanitaires, sociaux, médico-sociaux et éducatifs. Ce groupe proposera alors un
« plan d'accompagnement global à la CDAPH» (Commission des Droits et de
l'Autonomie des Personnes Handicapées, organe de la MDPH décidant des
prestations attribuées aux personnes handicapées, ainsi que de leur orientation
scolaire, professionnelle et en établissement ou service médico-social).
Deux éléments en particulier sont
inquiétants :
• il est prévu que ce groupe de
synthèse formulera des préconisations non plus seulement sur la base des
besoins de la personne, comme le prévoit actuellement la loi, mais «à partir
des besoins de la personne handicapée et des ressources mobilisables», ce qui
instaure une possibilité d’orientation par défaut, y compris par exemple vers
des structures en Belgique, où sont déjà exilées 5.000 personnes françaises
handicapées
• il apparaît que la MDPH pourra, si
le projet d’amendement est adopté, statuer sur des orientations dans le secteur
sanitaire puisqu’il est question de «tout établissement, service ou dispositif»
: en l’absence de places de SESSAD autisme, la MDPH pourrait donc par exemple
statuer sur une orientation en hôpital de jour ; de même, pour un adulte, elle
pourrait statuer sur une orientation en hôpital psychiatrique à défaut de
places en établissement médico-social. Ce type d’orientation est totalement inadapté.
Même si l’amendement stipule que la
proposition du groupe de synthèse à la CDAPH se fera «après avoir obtenu
l’accord de la personne handicapée ou de ses parents», je doute de son
applicabilité. On sait bien qu’aujourd’hui, l’article L241-7 du CASF n’est
quasiment jamais respecté alors qu’il stipule pourtant que la personne
handicapée ou ses parents « sont consultés par la commission des droits et de
l'autonomie des personnes handicapées ».
Ces « groupes opérationnels de
synthèse » sont clairement inspirés des commissions « situations critiques »,
créées fin 2013 afin de résoudre les situations les plus complexes (personnes
handicapées sans solution). Elles se sont en fait révélées incapables de
remplir leur mission. Il est donc illusoire de croire qu’en réunissant des «
groupes opérationnels de synthèse », on trouvera des solutions alors qu’elles
n’existent pas : le problème, c’est l’insuffisance de l’offre médico-sociale.
Alors que les délais de décision des
MDPH sont déjà bien au-delà de ce que prescrit la loi (parfois un an ou 18
mois, alors que la loi prévoit 4 mois), cet amendement, en instaurant un nouvel
organe à consulter, ne fera que retarder encore les décisions de la MDPH, voire
bloquera toute décision : la CDAPH s’abstiendra en effet probablement de
statuer si le « groupe opérationnel de synthèse » ne propose pas de solution.
L’amendement prétend proposer aux
personnes handicapées des solutions qui, quoique non adaptées à leurs besoins,
permettraient provisoirement de leur apporter un semblant de réponse en
attendant que l’offre médico-sociale se crée et s’adapte. Mais c'est un leurre
: on sait que le provisoire devient fréquemment définitif. En témoigne le
recours à l’amendement Creton, voté par l’Assemblée en 1989 pour permettre aux
jeunes adultes ayant dépassé la limite d’âge des 20 ans de rester dans leur
Institut Médico-Educatif en attendant que des places en structure adulte leur
soient offertes. 26 ans plus tard, l’amendement Creton, qui n’avait vocation
qu’à être un palliatif provisoire, est encore très largement (et de plus en
plus) utilisé.
Pour toutes ces raisons,
j’espère que vous rejetterez l’amendement n°AS1488. Dans cette attente, je vous
prie d’agréer, Madame la Députée, Monsieur le Député, mes salutations les
meilleures. »
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