jeudi 22 novembre 2012

Retour sur la situation des Français handicapés exilés en Belgique


Décembre 2011 : signature d’un accord-cadre entre l’État français et la Région wallonne concernant les personnes handicapées françaises hébergées en Belgique. Parties prenantes : 

France :
  • L’État français ;
  • Les Conseils Généraux ; 

Et par délégation de l’État français :
  • L’ARS (Agence Régionale de Santé) du Nord-Pas-de-Calais ; 
  • La Caisse d’Assurance Maladie de Roubaix/Tourcoing ;

Belgique : 
  • La Région wallonne ;

Et par délégation de la Région wallonne : 
  • L’AWIPH (Agence Wallonne d’Intégration de la Personne Handicapée).

La ministre française de l’époque en charge du dossier des personnes handicapées, Mme Montchamp, par ailleurs candidate aux élections législatives pour la circonscription des Français du Benelux, a été interpelée lors d’un dîner-débat par Mme Resplendino, Secrétaire Nationale du Collectif des Démocrates Handicapés (CDH, aujourd’hui dénommé l’Initiative Citoyenne pour l’Inclusion Transversale et Universelle, l’In’CITU) sur les nombreux dysfonctionnements constatés dans l’hébergement des personnes handicapées françaises, tels que les problèmes de paiement des organismes français, la marchandisation de l’offre belge et les soucis liés à certains termes de l’accord-cadre, en plus de l’entérinement d’un exil dû à un désengagement inacceptable de l’État français.

Franco-belge, Mme Resplendino alerte également les associations belges du monde du handicap :

  • L’AFrAHM, (Association Francophone d’Aide aux Handicapés Mentaux) ;
  • L’APEPA, (Association des Parents pour l’Épanouissement des Personnes avec Autisme) ;
  • L’AP³ (Association de Parents et de Professionnels autour de la Personne Polyhandicapée) ;
  • L’APEM-T21, (Association de Personnes porteuses d’une Trisomie 21, de leurs parents et des professionnels qui les entourent) ;
  • La Ligue des Droits de la Personne Handicapée ;
  • La ligue des Droits de l’Enfant ;


Associations qui saisissent le parlement wallon en la personne de M. Luc Tiberghien, président de la commission des affaires sociales, notamment au sujet d’une disposition de cet accord (article 1, l’objet) qui permet l’échange de moyens humains et matériels, de  méthodes entre les deux pays. 

Ces associations s’inquiètent notamment de la possibilité, en vertu de cet accord, de l’introduction en Belgique de méthodes de « soins » plus que controversées pratiquées en France, au rang desquelles figurent le « packing » – méthode de contention dans des linges trempés et préalablement refroidis au réfrigérateur, voire au congélateur, d’enfants autistes nus ou en sous-vêtements dès l’âge de 3 ans –, d’autant plus que le Pr Delion, de Lille toute proche, responsable de l’étude en cours sur le packing cherche chaque année 26 cobayes supplémentaires.

Les associations ont pour principales revendications que l’objet de l’accord-cadre se conforme aux recommandations de la Haute Autorité de Santé française et à la Convention relative aux Droits des Personnes Handicapées, et aussi d’être suffisamment impliquées dans le processus d’application et, le cas échéant, de modification de cet accord.

Suite à l’interpellation de Mme Montchamp, une réunion a lieu à la chancellerie française à Bruxelles en avril 2012 avec, entre autres, le CDH, l’ANDEPHI (Association Nationale de Défense des Personnes Handicapées en Institution) le Cabinet ministériel, l’ARS du Nord-Pas-de-Calais, le Consul de France et l’AWIPH.

Des bases ont été jetées pour une collaboration future, notamment la création d’un comité de suivi de cet accord-cadre. Ce comité sera présidé par le directeur général de l’ARS Nord-Pas-de-Calais qui en assurera le secrétariat et sera composé de :
  • Des représentants de l’État : DGCS (Direction Générale de la Cohésion Sociale, DAEI (Délégation aux Affaires Européennes et Internationales), DSS (Direction de la Sécurité Sociale) ;
  • L’ARS du Nord-Pas-de-Calais, ainsi que les 3 autres ARS les plus concernées : ARS Île-de-France, ARS Picardie, ARS Champagne-Ardenne ;
  • La CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie) et la CNAMTS (Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés) ;
  • 5 représentants des associations de personnes handicapées et organismes proposés par le CNCPH (Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées), parmi ou en dehors de ses membres ;
  • 5 représentants des Conseils Généraux proposés par l’Assemblée des départements de France ;
  • Le Consul Général de France en Belgique ;
  • Le parlementaire représentant des Français établis en Belgique.

Entretemps, les élections françaises et l’alternance qui en a suivi ont redistribué les responsabilités, la ministre Mme Carlotti étant actuellement en charge du dossier et le parlementaire élu des Français du Benelux se trouvant être M. Philip Cordery. En octobre 2012, le CNCPH désigne enfin les associations qui seront partie prenante au comité de suivi :
  • APIM HF, association représentant les personnes handicapées accueillies hors de France ;
  • Autisme France ;
  • CFHE (Conseil Français des personnes Handicapées pour les questions Européennes) ;
  • ANPEDA, candidature faite conjointement avec le CLAPEAHA (handicap rare, polyhandicap) ;
  • AIRE (handicap psychique).

Or, il s’avère que le handicap psychique n’est pas reconnu comme handicap en Belgique. Les Français en situation de handicap psychique hébergés en Belgique dépendent de la santé mentale, donc du gouvernement fédéral, et non pas de la Région wallonne ; les établissements qui les accueillent sont des établissements qui dépendent de l’INAMI (Institut National de l’Assurance Maladie-Invalidité), et non pas de l’AWIPH. En clair : l’AIRE n’a rien à voir avec cet accord-cadre. Pourtant, cette association est nommée au comité de son suivi !

Depuis cette désignation, le mandat du CNCPH étant arrivé à expiration, sa composition a été renouvelée. Sa nouvelle présidente est Mme la députée Martine Carrillon-Couvreur.

Par ailleurs, pour rentrer en application, cet accord-cadre doit être ratifié par les parlements respectifs (par un décret pour chaque parlement). Ce processus peut prendre au minimum deux années. Or, en attendant sa ratification, les organismes français refusent tout nouveau conventionnement aux établissements belges qui en font la demande, même si ceux-ci présentent un projet répondant à une importante demande comme par exemple des établissements pour adultes avec déficience intellectuelle modérée à sévère, troubles du comportements, établissements offrant une prise en charge avec les Thérapies Cognitivo-Comportementales, type d’offre qui fait cruellement défaut, en France comme en Belgique…

« Ce que tu fais pour moi, si tu le fais sans moi, tu le fais contre moi ». Ce proverbe dont on attribue parfois la paternité à Ghandi, parfois à un auteur anonyme d’Afrique du Nord, prend encore tout son sens avec cet accord-cadre, dont la genèse a été décidée sans consultation des associations ni des experts du monde du handicap.

Article écrit pour Autisme Rights Watch

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