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samedi 4 avril 2020

Covid : le tri inavouable



Malgré les dénégations de Mme Cluzel et de Mme Morreale, respectivement secrétaire d’état et ministre en charge des personnes handicapées en France et en région wallonne, le tri entre les patients susceptibles d’être pris en charge pour être sauvés du Covid-19 et ceux qui n’auront droit qu’aux soins palliatifs est d’ores et déjà mis en place et appliqué :


FRANCE :

Extrait du décret n° 2020-360 du 28 mars 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire :

« II.-Par dérogation à l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique, la spécialité pharmaceutique Rivotril ®[1] sous forme injectable peut faire l'objet d'une dispensation, jusqu'au 15 avril 2020, par les pharmacies d'officine en vue de la prise en charge des patients atteints ou susceptibles d'être atteints par le virus SARS-CoV-2 dont l'état clinique le justifie sur présentation d'une ordonnance médicale portant la mention “ Prescription Hors AMM[2] dans le cadre du covid-19 ”.
« Lorsqu'il prescrit la spécialité pharmaceutique mentionnée au premier alinéa en dehors du cadre de leur autorisation de mise sur le marché, le médecin se conforme aux protocoles exceptionnels et transitoires relatifs, d'une part, à la prise en charge de la dyspnée et, d'autre part, à la prise en charge palliative de la détresse respiratoire, établis par la société française d'accompagnement et de soins palliatifs et mis en ligne sur son site. »


En clair, il s’agit d’endormir ceux qu’on ne veut pas soigner du Covid-19 : patients âgés, handicapés, malades chroniques… Les seuils d’âge, handicap, maladie, sont laissés à l’appréciation du médecin.

Recommandations de la Société de réanimation de langue française sur la décision d’admission des patients en unités de réanimation et unités de soins critiques dans un contexte d’épidémie à Covid-19. :


Elles insistent sur divers axes de la loi Leonetti (dont notamment l’état neuro-cognitif) mais précisent que : « Dans ce contexte, ces principes décisionnels s’appliquent aussi bien aux patients COVID qu’aux patients non-COVID. Les données cliniques et de contexte pris en compte ne sont pas spécifiques aux patients COVID (comme âge, fragilité, comorbidités…), mais leur poids sur la nature de la décision prise pourrait l’être selon les situations. »


Elles induisent donc un changement d’interprétation de la loi Leonetti en raison du contexte Covid-19.


BELGIQUE :

Extrait d’un article de Sudinfo réservé aux abonnés :
« Un directeur d’établissement pour personnes en situation de handicap a récemment reçu un coup de fil de l’hôpital où l’un de ses résidents atteint de Covid-19, était soigné depuis 10 jours. Un monsieur de 55 ans, porteur de la trisomie 21. 

« Au bout du fil, on m’a indiqué que notre résident n’était pas prioritaire. Qu’il était en fin de vie. On nous demandait quelle était la position de la famille par rapport à l’acharnement thérapeutique. Suite à ce coup de fil pour le moins abrupt, voire caricatural, j’ai sollicité d’autres infos auprès de l’hôpital en question. On m’a alors expliqué que des critères médicaux entraient en ligne de compte. Des critères que je pouvais cette fois, mieux comprendre. 

Il n’empêche, je suis à 100 % sur la même longueur d’onde que Monsieur Huet, président de l’Association Belge contre les Maladies neuro-Musculaires [ABMM], lorsqu’il déclare que les critères du handicap et/ou de l’âge, ne peuvent être considérés en tant que tels comme facteurs d’exclusion des soins. C’est démocratiquement et humainement inadmissible. Idem pour le présupposé de l’espérance de vie. 

Certes, et statistiquement parlant, une personne porteuse de trisomie affiche une espérance de vie moindre que le commun des mortels. Mais je peux témoigner de pensionnaires âgés de 70 à 80 ans qui vivent très bien.»


Extrait de l’autre article de Sudinfo avec l’interview de Jean-Marie Huet :
« Le sujet du tri des patients est hyper touchy. Mais il est indispensable de (re)discuter des critères retenus jusqu’à présent par le Conseil d’Éthique de la société belge de médecine intensive » estime le Louviérois. « En élargissant cette réflexion, non seulement aux patients âgés, mais aussi à ceux qui sont porteurs d’un handicap et/ou qui se soignent pour des maladies chroniques. » (…)

Jean-Marie Huet revient sur les critères qui président au tri des patients atteints du covid-19 :


1) La situation médicale du patient. « Ce critère présuppose que les personnes atteintes de maladies chroniques, présentant des pathologies diverses, seraient moins à même de survivre, statistiquement parlant, qu’une personne en bonne situation médicale. 
Là où le bât blesse, c’est que la présence d’un handicap risque d’être interprétée également comme une mauvaise situation médicale en soi. Ce n’est pas exact. 
Mais je peux, à titre personnel, témoigner de préjugés tenaces, y compris de la part du monde médical. Beaucoup pensent qu’une issue fatale constitue même un soulagement pour une personne handicapée. Mais le goût et la qualité de la vie ne se résument pas au nombre de vos chromosomes. À l’usage de vos jambes… ».

2) Le critère de l’âge. À situation médicale égale, l’âge du patient est déterminant : le patient le plus jeune sera privilégié, compte tenu du critère de l’espérance de vie… « Mais ce critère est-il aussi logique et objectif qu’il apparaît à première vue ? » interroge Jean-Marie Huet. « Le jeunisme n’est-il pas d’abord motivé par une question de coûts ? Attention aux dérives. »

3) Le critère du « premier rentré, premier servi ». Soit un critère aléatoire mais plus juste. En cas d’arrivée au même moment de deux patients atteints, on utiliserait le dernier critère.

4) Le dernier critère serait le tirage au sort, en cas d’afflux important en même temps.

Pour sa part, Jean-Marie Huet se range clairement derrière l’avis du Conseil National de la Personne Handicapée (CSNPH) qui estime que « le texte du Conseil d’Éthique de la société belge de médecine intensive laisse encore beaucoup trop d’interprétations possibles. Qu’il doit être clarifié pour lever les incertitudes liées au statut de personne handicapée et au respect de l’expression de la volonté de celle-ci. »


Pour notre interlocuteur, c’est la déclaration de l’ONU qui doit rester en permanence à l’esprit de ceux qui décideront : « Aucune exception avec le Covid-19 », disent les experts de l’ONU : « Tout être humain a droit à une assistance médicale lorsque son pronostic vital est engagé. »

Même si l’on sait que dans les faits, certaines décisions difficiles devront quand même être prises… »

Mon avis : plus qu’une annonce franche, ce sont des ajustements de législation et des modulations d’interprétation de la législation (en laissant aux médecins la responsabilité de choix terribles) qui constituent le danger. Et l’on voit que les décisions ont été prises dans un hôpital sans contexte de saturation (le monsieur de 55 ans). Ces personnes fragiles n’ont pas fini de payer les réformes successives de la santé publique, et, plus près de nous, la mise en œuvre tardive des mesures visant à enrayer l’épidémie.


Il faudra viser à expliciter plus les mesures en travaillant en collaboration avec les associations, sous peine que notre société perde le peu d’âme qui lui reste.


Edit : devant les nombreuses questions et interprétations de mon article, je tiens à expliquer que le décret de dérogation de délivrance du Rivotril pour soins palliatifs (donc on renonce à guérir et on accompagne la mort) fait que les médecins hors hôpital pourront l’administrer sans la concertation ni le support ni la surveillance continue d’une équipe hospitalière. Cela évite une hospitalisation et donc autant de chiffres en baisse pour la réanimation, et la comptabilisation des décès. Cela pose aussi le problème des critères de choix pour la non-orientation en hôpital (âge, santé, handicap) qui reposera principalement sur un médecin. De plus, la question se pose de savoir comment le Rivotril va être administré, sur quelle durée, etc. Même en délégant à du personnel infirmier : pas tous les établissements disposent d’infirmiers en permanence et encore moins à domicile. Comment en temps réel baisser, monter la dose, selon les besoins ?

Les démentis du gouvernement font aussi l’impasse sur les dépassements de dose non létale des anesthésiants en soins palliatifs lorsque cette dose ne suffit plus. Le but n’étant pas d’euthanasier, mais de soulager la personne. Mais, dans les faits…

Autre aspect : ce décret est un ajout à la loi d’urgence sanitaire, que les députés et sénateurs ont voté sans moufter et dont on n’a jamais entendu parler, alors que les média n’ont jamais été avares d’informations sur la loi elle-même.
Cela pose beaucoup de questions sur la liberté de l’information. Et que l’élargissement de la loi Leonetti et de son interprétation se soient faites sans consultation de la société civile en pose d’autres sur le respect des Droits de l’Homme par la France.

Lire la réaction des pharmaciens.



[1] Benzodiazépine (sédatif)
[2] Le « hors-AMM » est une prescription pour d’autres indications que celles pour lesquelles le médicament a reçu son autorisation de mise sur le marché.

vendredi 25 mars 2016

Autisme et bonnes pratiques : Inspection dans les hôpitaux de jour


Dans le cadre du Plan autisme : inspection dans les hôpitaux de jour de psychiatrie infanto juvénile

La Direction de l’offre générale de soins (DGOS) a annoncé à certaines organisations qu’elle chargeait les Agences régionales de Santé (ARS) d’inspecter les Hôpitaux de Jour de psychiatrie infanto-juvénile pour y vérifier le respect des recommandations de bonnes pratiques (RBP) dans le cadre du 3e plan autisme. Enfin ! Dirons-nous !

Évidemment, la réaction des psychanalystes ne s’est pas fait attendre !

Voici le courrier que le Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) a adressé le 7 mars dernier à la Ministre suite à cette annonce.

Encore une fois, on revendique la psychanalyse comme exception culturelle médicale, comme s’il s’agissait de la liberté d’opinion plutôt que de la santé/de l’avenir de nos enfants avec autisme.

Encore une fois, on fait fi du serment d’Hippocrate :

 


…  Je ne tromperai jamais leur confiance et n'exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences.
… Je n'entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés.
…Que les hommes et mes confrères m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré et méprisé si j'y manque du code de déontologie de la médecine, de la loi »

(Justement, parlons du code de santé publique) :

ARTICLE 11 (ARTICLE R.4127-11 DU CSP – Code de la Santé Publique)
Tout médecin entretient et perfectionne ses connaissances dans le respect de son obligation de développement professionnel continu.

ARTICLE 12 (ARTICLE R.4127-12 DU CSP)
Le médecin doit apporter son concours à l'action entreprise par les autorités compétentes en vue de la protection de la santé et de l'éducation sanitaire. 1/ participe aux actions de vigilance sanitaire.

ARTICLE 13 (ARTICLE R.4127-13 DU CSP)
Lorsque le médecin participe à une action d'information du public de caractère éducatif et sanitaire, quel qu'en soit le moyen de diffusion, il doit ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public.

 


Encore une fois, on nie les droits fondamentaux de nos enfants à l’éducation, de la vie en société en traitant à l’intérieur de nos hôpitaux une particularité que nos chers, très chers, trop chers psychanalystes considèrent comme une maladie, un enfermement volontaire en réaction à un environnement familial (le plus souvent maternel) destructeur.
 
Ces théories bientôt séculaires ne reposent sur aucune base scientifique, elles sont nées d’hypothèses qui sont devenues des dogmes. Cela n’a rien à voir avec la médecine, mais avec la croyance. Le droit de pratiquer une religion est un droit fondamental de l’être humain. Mais se servir d’une croyance pour pratiquer la médecine reste un exercice illégal.