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mardi 28 janvier 2014

Psychothérapie et charlatanisme


L’ECHO - 28 janvier 2014, p. 13

La psychothérapie en Belgique
n’en a pas fini avec le charlatanisme
 
Jacques Van Rillaer
Professeur émérite de psychologie à l’UCL

 
Ce 15 janvier, la commission « Santé » de la Chambre a approuvé une proposition de loi réservant le titre de psychologue clinicien aux psychologues formés à l’université. Elle a également défini l’habilitation pour des « actes psychothérapeutiques ». Ces derniers seront réservés à ceux qui auront suivi une formation spécialisée, après des études de psychiatrie ou de psychologie clinique ou encore d’un bac de type social, médical ou éducationnel.
 
Pour la 3e catégorie, une mise à niveau en un an sera exigée. Ce cursus-là n’est pas du goût de ceux des deux premières catégories, qui craignent un manque de formation à la pensée scientifique et une moindre compétence. Les arrêtés d’exécution doivent être précisés et donneront lieu à bien des débats.
 
Un député a déclaré en ce jour : « La réforme offrira au patient une sécurité équivalente à celle pour la santé physique. On sort de la logique des charlatans ». C’est assez naïf. D’une part, des « psys » pourront continuer à pratiquer avec des titres comme psychanalyste, analyste jungien, gestalt-thérapeute, coach, hypnothérapeute, praticien EMDR, etc. D’autre part, le diplôme universitaire n’offre qu’une garantie de formation et non d’honnêteté. Or le soin psychologique est un domaine où le charlatanisme est particulièrement facile.
 
Déjà au XIXe siècle, au moment où la psychothérapie commençait à devenir une profession, Pierre Janet et puis Freud soulignaient l'attachement infantile et la crédulité de nombre de patients à l'égard des thérapeutes. Toute personne qui recourt aux services d’un psy, même diplômé, devrait rester vigilante. A ce propos on peut se réjouir que la loi cadre reconnaît plusieurs grands courants de psychothérapie : cela invite le patient à changer de courant lorsqu’il stagne ou va plus mal.
 
Un type de charlatanisme qui menace les candidats au titre légal de psychothérapeute est l’exploitation de l’exigence — certes souhaitable — d’une formation personnelle. Le concept d’analyse didactique a été imaginé par Jung en 1912, dans l’espoir de dépasser les conflits des interprétations entre psychanalystes (conflits qui mèneront néanmoins à nombre d’Écoles rivales). Quelques années plus tard, Freud délaissait largement la thérapie au profit de cette activité fort rentable et beaucoup plus facile, et d’autant plus volontiers que sa méthode avait très peu d’effets curatifs (voir de Borch-Jacobsen : Les patients de Freud, éd. Sciences Humaines, 2011).
 
Lacan a ensuite développé un véritable commerce des didactiques, « psychanalysant » quotidiennement des dizaines de candidats, qui se trouvaient à sa merci pour être reconnus analystes. L’Association internationale de Psychanalyse, après l’avoir plusieurs fois mis en garde, n’a plus reconnu les analystes qu’il « formait ». C’est la raison pour laquelle il a fondé sa propre École en 1964. Ensuite ses séances de didactique, payées au prix fort, duraient cinq minutes ou moins encore, ce qui lui a permis de devenir richissime. On voit où cela peut mener.
 
Il est heureux que certaines associations lacaniennes ne revendiquent pas le titre de « psychothérapeute » et adhèrent à la déclaration de Jacques-Alain Miller, principal successeur de Lacan : « Nulle part au monde il n’y a de diplôme de psychanalyste. Et non pas par hasard, ou par inadvertance, mais pour des raisons qui tiennent à l’essence de la psychanalyse ».