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dimanche 10 juillet 2016

Quand les parents font de la surenchère médiatique, les enfants trinquent

En 2014, le Collectif Autisme en France avait fait une campagne visuelle sur le thème : X, en captivité depuis XXX jours, signifiant par-là que les personnes avec autisme étaient prisonnières du système français.

Ces affiches avec des prénoms d’emprunt étaient réalisées avec des photos de comédiens.

Dans la foulée, je reçus un message Facebook d’une maman qui tenait un groupe et demandait aux mamans françaises d’envoyer des photos de leur enfant avec autisme pour faire un montage afin de montrer « comment l’État français les maltraitait ». Interloquée, je lui répondis qu’il était hors de question de médiatiser mon fils autrement que positivement, que les images négatives le poursuivraient toute sa vie. Je lui expliquai que son expérience positive d’inclusion avait déjà fait l’objet de plusieurs reportages, qui servaient d’ailleurs en formation des professionnels, que j’avais demandé avant l’avis des psychologues qui le suivaient pour savoir si cette médiatisation positive serait bénéfique pour lui ; j’avais reçu leur feu vert et son estime de soi en fut améliorée suite à la diffusion des reportages.

Quelle ne fut pas ma surprise de constater qu’en Belgique, nombre de mamans avaient repris la campagne du Collectif Autisme français avec les photos de leurs enfants ! Mais elles étaient désespérées et pensaient ainsi alerter les pouvoirs publics. Cela se discute.

J’avais trouvé très bien l’idée qu’une maman avait eu un peu plus avant, d’emmener la sœur de son fils autiste à un sit-in avec une pancarte dans le dos qui stipulait que si cela choquait les gens que la fillette soit là, c’était aussi son avenir à elle qui était concerné, si son frère plus tard n’avait pas de solution. (Plus tard, la Belgique fut condamnée pour violation de la charte sociale européenne pour le manque de solutions des adultes de grande dépendance). Mais la petite était photographiée de dos sur les réseaux sociaux, et donc n’était pas reconnaissable.

Plus tard, dans des interviews, une maman disait qu’elle devrait tuer son enfant quand elle serait vieille ou malade. Nous, parents d’enfants handicapés, y avons tous pensé je crois, à un moment ou un autre. Quand mon fils n’était pas propre à 5 ans, et que, moi-même atteinte d’un syndrome d’Ehlers-Danlos n’était censée pouvoir soulever pas plus de 5 kg à la fois, je voyais l’avenir très sombre… Mais j’ai pris peur pour cette maman qui prenait des risques en disant cela à la télévision… En France, on lui aurait retiré l’enfant pour moins que cela ! Bien sûr, elle disait cela pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur sa situation, et non pas pour passer à l’acte, mais heureusement qu’en Belgique, la situation des placements d’enfants n’est pas si problématique qu’en France.

À la suite de cet article, une de ces mamans désespérées demande mon aide. Son aîné a trouvé une place dans un établissement de l’autre côté de la frontière linguistique (il n’est donc plus dans une situation prioritaire) mais le second va à l’école grâce à une auxiliaire de vie scolaire que la famille embauche à plein temps, ce qui lui coûte très cher. Le papa enchaîne 2 travails tandis que la maman a dû renoncer au sien pour s’occuper des enfants.

Elle m’explique qu’elle est sur liste d’attente pour le service d’aide à l’intégration depuis 2 ans. Je lui dis que j’ai déjà réglé plusieurs dossiers en ce sens, car les listes d’attente pour ce service est en général de quelques mois, trop long c’est qu’il y a une erreur (un manque de document, une mauvaise réception)… Je lui dis de recontacter ce service pour voir ce qu’il se passe et que je peux l’aider pour débloquer ce dossier.

En sus de cette aide par un service, un enfant en intégration peut cumuler une collaboration entre une école spécialisée et une école ordinaire. Cette formule ne reçoit que 4 périodes par semaine d’aide, ce qui est trop peu pour beaucoup d’enfants. On peut toutefois mutualiser les aides en incluant plusieurs enfants à besoins spécifiques dans les classes, jusqu’à obtenir de l’aide à temps complet. Je lui envoie le reportage qui explique cela.

La famille réside à Liège, il n’y a pas de manque de ressources en pédagogie adaptée à l’autisme dans cette province ; au contraire, régulièrement des écoles m’envoient des annonces de places vides dans les classes. Des responsables de réseaux à Liège sont de fervents défenseurs de l’inclusion et forment même leurs professionnels à l’aide du reportage… Cela ne devrait donc poser aucun problème.

Las, la maman n’a pas donné suite. Au contraire, quelques mois plus tard, après avoir annoncé qu’elle portait plainte contre l’état belge, elle publie la photo d’un de ses enfants tenant une affiche disant en substance qu’il n’y a que 40 places pour 11000 enfants autistes en Fédération Wallonie-Bruxelles, que l’état belge les a lâchement abandonnés.

La photo a été partagée des centaines de fois sur les réseaux sociaux.

Me direz-vous : mais c’est une honte, 40 places pour 11000 enfants !

En réalité : il y a 40 places pour les interventions intensives précoces. La tranche d’âge concerne donc les enfants de 0 à 6 ans, et non pas jusqu’à 18. Tous les enfants avec autisme n’ont pas besoin d’intervention intensives précoces ; je ne pense pas qu’il faille refaire l’erreur du Canada, qui fait de l’intensif précoce et une seule approche – Analyse appliquée du comportement (ABA) –  pour tous les enfants jusqu’à 5-6 ans, puis peu pour les personnes plus âgées, étant donné que de l’intensif précoce coûte cher.

Il y a 40 places dans des établissements qui font de l’ABA et de l’Early Start Denver Model (ESDM). Il y a aussi les classes à pédagogie adaptée (le plus souvent du TEACCH avec un peu d’ABA) qui ne sont pas comptées dans ces 40 places. Il y a aussi les enfants qui sont scolarisés dans l’enseignement spécialisé, intégré ou ordinaire avec une pédagogie individualisée. Ou pas, pas tous n’en ayant besoin. Et surtout, une grande masse d’enfants qui ne sont pas dépistés ou qui ont un diagnostic erroné…

Le plan transversal autisme, parfois décrié sur les réseaux sociaux, comporte en 1er de recenser les besoins et les ressources ; car toute politique à chiffrer ne peut se décider qu’après cela.

Le plan autisme prévoit des formations au dépistage pour les professionnels de la petite enfance.

Le plan autisme prévoit des CAPRADEM. Il s’agit de classes à pédagogie renforcée autisme d’enseignement maternel, pour des enfants avec des troubles lourds, voire considérés comme non scolarisables. Ces classes auront les moyens mutualisés Fédération Wallonie-Bruxelles/régions. Les formations des professionnels et des parents comprendront le TEACCH, l’ABA, l’ESDM et les moyens de communication alternative et augmentative. Ces moyens importants seront déployés dans l’espoir de scolariser au plus vite ces enfants dans l’enseignement ordinaire, pour autant que l’inclusion réponde à leurs besoins.

Pour les plus grands, avec d’importantes difficultés, une collaboration Fédération Wallonie-Bruxelles/région est aussi décidée. Un groupe de travail au conseil supérieur élabore un cahier des charges des pédagogies adaptées, qui se réfèreront bien sûr aux recommandations officielles du Conseil Supérieur de la Santé et du Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE), et dont l’APEPA a fourni une base pour l’autisme, lors des travaux de la table ronde autisme où ont participé d’autres associations, qui sont parfaitement au courant de ces projets.

Autres annonces :

æ  L’information sera centralisée, afin qu’elle ne se « perde » pas dans les différents niveaux de compétence. La sensibilisation à l’autisme sera aussi un point important. Participate! recevra des moyens.

æ  La formation de base des professionnels comprendra des modules autisme. Il y aura des formations de parents, dont certaines en résidentiel, avec une garderie pour les enfants avec autisme par des étudiants éducateurs spécialisés.

æ  Les modules de formation seront évalués pour évoluer selon besoins.

æ  Le guide du Groupe de Travail de l’AViQ sur les Bonnes Pratiques sera diffusé en septembre à tous les acteurs des services.

æ  Il y a des projets-pilotes de classes spécialisées dans l’Enseignement ordinaire, en transversalité Fédération Wallonie-Bruxelles/Régions Wallonne et Bruxelles.

æ  Il y aura un suivi dans cette transversalité de la crèche, en passant par l’école, et l’âge adulte avec un Plan de Suivi Personnalisé.

æ  Pour l’inclusion dans la vie sociale, seront renforcés les partenariats entre les associations des personnes handicapées, les associations sport et culture.

æ  Pour le transport scolaire, l’objectif des groupes de travail sera de réduire la durée des parcours et aussi de former les accompagnateurs.

æ  En ce qui concerne la Région Wallonne, il y aura plus de moyens pour les cas prioritaires, dont on sait qu’au moins 25 % concernent des personnes avec un diagnostic d’autisme. En 2016, cela représente une augmentation de 3 millions d’euros.

æ  2 appels à projets de 5 millions seront lancés à l’automne, concernant des places d’accueil, répit, hébergement pour jeunes avec autisme et double diagnostic.

æ  On attend le rapport de la Grande Dépendance pour connaître les besoins en période de crise. Des unités spécialisées seront créées avec un encadrement renforcé (aussi bien des qualifications que du nombre de personnes) : les places seront limitées à 6 et temporaires pour stabiliser la personne et lui faire réintégrer le milieu de vie.

æ  Il y aura des plateformes de mise en réseaux des Cellules Mobiles d’Interventions (CMI) qui seront renforcées.

æ  Les Centres de Référence auront une meilleure couverture géographique (un CRA sera créé à Namur) et les CRA existants seront renforcés pour réduire les listes d’attente.

æ  Dès 2016, différentes actions se mettent en place ; l’APEPA est sollicitée pour opérationnaliser ces actions.

Sans compter 54 conventions nominatives INAMI qui seront reprises par la Région. Lire l’article intégral ici.

Les parents belges réclament, comme en France, un système d’auxiliaires de vie scolaire (AVS, ou le nouveau statut d’AESH : accompagnant d’enfant en situation de handicap). En France, ils n’ont guère le choix pour scolariser l’enfant dans l’ordinaire… Mais les équipes belges qui scolarisent par la suite ces enfants français habitués aux auxiliaires témoignent que ces enfants ne savent rien faire sans l’aide d’un adulte. Ces professionnels, peu formés, précaires, agissent la plupart du temps à la place de l’enfant et ne savent pas le rendre autonome, à de rares exceptions près. Si pour certains besoins spécifiques, comme par exemple un handicap physique important, la présence de l’AVS se justifie, elle peut paradoxalement entraver l’accès à l’autonomie des enfants avec un handicap mental ou cognitif.

Cela serait une porte ouverte pour arrêter les interventions des enseignants spécialisés, des puéricultrices, des infirmiers, des éducateurs spécialisés, des logopèdes, des kinésithérapeutes, des psychologues, etc. qui œuvrent dans l’enseignement spécialisé ou intégré. Il est certain qu’il serait bien plus économique pour un gouvernement de faire appel à des AVS, même si cela va à l’encontre de l’avenir de l’enfant.

Il y en a peu en Belgique : quelques emplois aidés, des ACS, des « stewards » financés par des communes…

Une autre maman avait scolarisé avec succès sa fille après beaucoup d'investissement de sa part, mais cela s’est mal passé par la suite : apparemment, l’école ne l’avait pas avertie de troubles du comportement et ils ont choisi de la scolariser en maternel avec son ancienne institutrice à laquelle elle était habituée en lui fournissant le programme de primaire. On peut regretter le manque de concertation, qui a amené la maman à choisir de scolariser l’enfant à la maison. La maman a fait filmer sa fille en crise de larmes car elle voulait aller à l’école comme sa sœur, allées et venues fréquentes de la maman dans la pièce, maman qui lui promet plusieurs fois de lui ramener un bonbon, ce qui bien évidemment augmente l’importance de la crise avant (enfin !) sa sortie.

Vidéo diffusée et largement partagée sur les réseaux sociaux.

Il y a 3 ans, j’avais aussi été interloquée en voyant dans les journaux une interview d’un papa avec un enfant dyslexique qui se plaignait de l’école secondaire de son fils, qui ne faisait aucun aménagement raisonnable. L’école était présentée comme élitiste. Le papa voulait fonder une association pour créer des outils pour les enfants dyslexiques, il n’était apparemment pas au courant de ceux qui existent déjà. Un contact Facebook m’avait dit : « Ce n’est pas là où tu voulais inscrire ton fils ? »
Ben si, justement. Ça fait peur ! Mais j’y ai quand même inscrit mon fils, en précisant son autisme, ce à quoi on m’a répondu : « ici, notre philosophie est d’inclure les enfants à besoins spécifiques, nous avons plusieurs enfants dys inclus et nous travaillons avec leurs logopèdes ».

Lors des 1ers problèmes (consignes mal comprises), la psychologue qui suivait mon fils est venue rencontrer tous ses professeurs sur le temps de midi. Elle m’a dit : « je n’ai jamais vu une école aussi engagée dans l’inclusion ».

Une autre maman, dont le fils adolescent avait aussi un Syndrome d’Asperger, m’avait avertie que si au primaire cela se passait bien, et que malgré que les écoles prétendent être accueillantes, il n’y avait aucune aide au secondaire. C’était peut-être son cas, mais je pense qu’il ne faut pas généraliser, dans un sens comme dans l’autre (positif ou négatif).

Cette maman disait que le service auquel j’avais fait appel pour le mien avait refusé son fils, trop peu atteint, que j’avais utilisé des passe-droits. Elle a dit cela en public, alors qu’au téléphone peu avant elle m’avait dit que ce service était venu dans l’école secondaire de son fils pour leur expliquer le syndrome et les aménagements raisonnables, mais soit.

En vérité, le mien avait aussi été refusé, pour la même raison ; le service préférant privilégier des cas lourds, n’ayant pas assez d’heures pour tous leurs bénéficiaires. J’en avais alors parlé à l’ex-AWIPH, (l’agence wallonne pour l’intégration des personnes handicapées, aujourd’hui l’AViQ, l’agence pour une vie de qualité), en disant que je ne demandais pas pour mon fils, car je pouvais prendre quelqu’un en libéral, mais que d’autres parents ne le pouvaient pas, et qu’il fallait remédier à cette situation. 7 mois après, le service m’a téléphoné en disant qu’il avait pu embaucher du personnel et qu’il pouvait suivre mon fils.

Cette maman aussi médiatise son fils négativement, mais au moins il est majeur et il peut décider ou pas d’apparaître.

Les enfants mineurs n’ont pas ce choix. Je pense que les parents devraient penser aux conséquences.

Je pense que ce post va encore déchaîner les tempêtes, comme le car-wash sexy pour l’autisme a attiré les foudres des féministes. Il est contre-productif de piétiner une cause pour en défendre une autre. Je suis maman d’enfant avec autisme et féministe.