En 2014, le Collectif Autisme en France avait
fait une campagne visuelle sur le thème : X, en captivité depuis XXX jours, signifiant
par-là que les personnes avec autisme étaient prisonnières du système français.
Ces affiches avec des prénoms d’emprunt étaient
réalisées avec des photos de comédiens.
Dans la foulée, je reçus un message Facebook d’une
maman qui tenait un groupe et demandait aux mamans françaises d’envoyer des
photos de leur enfant avec autisme pour faire un montage afin de montrer « comment
l’État français les maltraitait ». Interloquée, je lui répondis qu’il
était hors de question de médiatiser mon fils autrement que positivement, que
les images négatives le poursuivraient toute sa vie. Je lui expliquai que son
expérience positive d’inclusion avait déjà fait l’objet de plusieurs
reportages, qui servaient d’ailleurs en formation des professionnels, que j’avais
demandé avant l’avis des psychologues qui le suivaient pour savoir si cette
médiatisation positive serait bénéfique pour lui ; j’avais reçu leur feu
vert et son estime de soi en fut améliorée suite à la diffusion des reportages.
Quelle ne fut pas ma surprise de constater qu’en
Belgique, nombre de mamans avaient repris la campagne du Collectif Autisme
français avec les photos de leurs
enfants ! Mais elles étaient désespérées et pensaient ainsi alerter
les pouvoirs publics. Cela se discute.
J’avais trouvé très bien l’idée qu’une maman avait
eu un peu plus avant, d’emmener la sœur de son fils autiste à un sit-in avec une
pancarte dans le dos qui stipulait que si cela choquait les gens que la
fillette soit là, c’était aussi son avenir à elle qui était concerné, si son
frère plus tard n’avait pas de solution. (Plus tard, la Belgique fut condamnée
pour violation de la charte sociale européenne pour le manque de solutions des
adultes de grande dépendance). Mais la petite était photographiée de dos sur
les réseaux sociaux, et donc n’était pas reconnaissable.
Plus tard, dans des interviews, une maman
disait qu’elle devrait tuer son enfant quand elle serait vieille ou malade.
Nous, parents d’enfants handicapés, y avons tous pensé je crois, à un moment ou
un autre. Quand mon fils n’était pas propre à 5 ans, et que, moi-même atteinte
d’un syndrome d’Ehlers-Danlos n’était censée pouvoir soulever pas plus de 5 kg à la fois,
je voyais l’avenir très sombre… Mais j’ai pris peur pour cette maman qui
prenait des risques en disant cela à la télévision… En France, on lui aurait
retiré l’enfant pour moins que cela ! Bien sûr, elle disait cela pour
attirer l’attention des pouvoirs publics sur sa situation, et non pas pour
passer à l’acte, mais heureusement qu’en Belgique, la situation des placements
d’enfants n’est pas si problématique qu’en France.
À la suite de cet article,
une de ces mamans désespérées demande mon aide. Son aîné a trouvé une place
dans un établissement de l’autre côté de la frontière linguistique (il n’est
donc plus dans une situation prioritaire) mais le second va à l’école grâce à
une auxiliaire de vie scolaire que la famille embauche à plein temps, ce qui
lui coûte très cher. Le papa enchaîne 2 travails tandis que la maman a dû
renoncer au sien pour s’occuper des enfants.
Elle m’explique qu’elle est sur liste d’attente
pour le service d’aide à l’intégration depuis 2 ans. Je lui dis que j’ai déjà
réglé plusieurs dossiers en ce sens, car les listes d’attente pour ce service
est en général de quelques mois, trop long c’est qu’il y a une erreur (un
manque de document, une mauvaise réception)… Je lui dis de recontacter ce
service pour voir ce qu’il se passe et que je peux l’aider pour débloquer ce
dossier.
En sus de cette aide par un service, un enfant
en intégration peut cumuler une collaboration entre une école spécialisée et
une école ordinaire. Cette formule ne reçoit que 4 périodes par semaine d’aide,
ce qui est trop peu pour beaucoup d’enfants. On peut toutefois mutualiser les
aides en incluant plusieurs enfants à besoins spécifiques dans les classes,
jusqu’à obtenir de l’aide à temps complet. Je lui envoie le reportage qui
explique cela.
La famille réside à Liège, il n’y a pas de
manque de ressources en pédagogie adaptée à l’autisme dans cette province ;
au contraire, régulièrement des écoles m’envoient des annonces de places vides dans
les classes. Des responsables de réseaux à Liège sont de fervents défenseurs de
l’inclusion et forment même leurs professionnels à l’aide du reportage… Cela ne
devrait donc poser aucun problème.
Las, la maman n’a pas donné suite. Au
contraire, quelques mois plus tard, après avoir annoncé qu’elle portait plainte
contre l’état belge, elle publie la photo d’un de ses enfants tenant une affiche
disant en substance qu’il n’y a que 40 places pour 11000 enfants autistes en
Fédération Wallonie-Bruxelles, que l’état belge les a lâchement abandonnés.
La photo a été partagée des centaines de fois
sur les réseaux sociaux.
Me direz-vous : mais c’est une honte, 40
places pour 11000 enfants !
En réalité : il y a 40 places pour les
interventions intensives précoces. La tranche d’âge concerne donc les enfants
de 0 à 6 ans, et non pas jusqu’à 18. Tous les enfants avec autisme n’ont pas
besoin d’intervention intensives précoces ; je ne pense pas qu’il faille
refaire l’erreur du Canada, qui fait de l’intensif précoce et une seule
approche – Analyse appliquée du comportement (ABA)
– pour tous les enfants jusqu’à 5-6 ans,
puis peu pour les personnes plus âgées, étant donné que de l’intensif précoce
coûte cher.
Il y a 40 places dans des établissements qui
font de l’ABA et de l’Early Start Denver Model (ESDM). Il y a aussi
les classes à pédagogie adaptée (le plus souvent du TEACCH avec un peu d’ABA) qui
ne sont pas comptées dans ces 40 places. Il y a aussi les enfants qui sont
scolarisés dans l’enseignement spécialisé, intégré ou ordinaire avec une
pédagogie individualisée. Ou pas, pas tous n’en ayant besoin. Et surtout, une
grande masse d’enfants qui ne sont pas dépistés ou qui ont un diagnostic erroné…
Le plan transversal autisme, parfois décrié sur les réseaux
sociaux, comporte en 1er de recenser les besoins et les ressources ;
car toute politique à chiffrer ne peut se décider qu’après cela.
Le plan autisme prévoit des formations au
dépistage pour les professionnels de la petite enfance.
Le plan autisme prévoit des CAPRADEM. Il s’agit
de classes à pédagogie renforcée autisme d’enseignement maternel, pour des
enfants avec des troubles lourds, voire considérés comme non scolarisables. Ces
classes auront les moyens mutualisés Fédération Wallonie-Bruxelles/régions. Les
formations des professionnels et des parents comprendront le TEACCH, l’ABA, l’ESDM
et les moyens de communication alternative et augmentative. Ces moyens
importants seront déployés dans l’espoir de scolariser au plus vite ces enfants
dans l’enseignement ordinaire, pour autant que l’inclusion réponde à leurs
besoins.
Pour les plus grands, avec d’importantes
difficultés, une collaboration Fédération Wallonie-Bruxelles/région est aussi
décidée. Un groupe de travail au conseil supérieur élabore un cahier des
charges des pédagogies adaptées, qui se réfèreront bien sûr aux recommandations
officielles du Conseil Supérieur de la Santé et du Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE),
et dont l’APEPA a fourni une base pour l’autisme, lors des travaux de la table
ronde autisme où ont participé d’autres associations, qui sont parfaitement au
courant de ces projets.
Autres annonces :
æ
L’information
sera centralisée, afin qu’elle ne se « perde » pas dans les différents niveaux
de compétence. La sensibilisation à l’autisme sera aussi un point important. Participate! recevra
des moyens.
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La
formation de base des professionnels comprendra des modules autisme. Il y aura
des formations de parents, dont certaines en résidentiel, avec une garderie
pour les enfants avec autisme par des étudiants éducateurs spécialisés.
æ
Les
modules de formation seront évalués pour évoluer selon besoins.
æ
Le
guide du Groupe de Travail de l’AViQ sur les Bonnes Pratiques sera diffusé en
septembre à tous les acteurs des services.
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Il
y a des projets-pilotes de classes spécialisées dans l’Enseignement ordinaire,
en transversalité Fédération Wallonie-Bruxelles/Régions Wallonne et Bruxelles.
æ
Il
y aura un suivi dans cette transversalité de la crèche, en passant par l’école,
et l’âge adulte avec un Plan de Suivi Personnalisé.
æ
Pour
l’inclusion dans la vie sociale, seront renforcés les partenariats entre les
associations des personnes handicapées, les associations sport et culture.
æ
Pour
le transport scolaire, l’objectif des groupes de travail sera de réduire la
durée des parcours et aussi de former les accompagnateurs.
æ
En
ce qui concerne la Région Wallonne, il y aura plus de moyens pour les cas
prioritaires, dont on sait qu’au moins 25 % concernent des personnes avec un
diagnostic d’autisme. En 2016, cela représente une augmentation de 3 millions
d’euros.
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2
appels à projets de 5 millions seront lancés à l’automne, concernant des places
d’accueil, répit, hébergement pour jeunes avec autisme et double diagnostic.
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On
attend le rapport de la Grande Dépendance pour connaître les besoins en période
de crise. Des unités spécialisées seront créées avec un encadrement renforcé
(aussi bien des qualifications que du nombre de personnes) : les places seront
limitées à 6 et temporaires pour stabiliser la personne et lui faire réintégrer
le milieu de vie.
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Il
y aura des plateformes de mise en réseaux des Cellules Mobiles d’Interventions
(CMI) qui seront renforcées.
æ
Les
Centres de Référence auront une meilleure couverture géographique (un CRA sera
créé à Namur) et les CRA existants seront renforcés pour réduire les listes
d’attente.
æ
Dès
2016, différentes actions se mettent en place ; l’APEPA est sollicitée pour
opérationnaliser ces actions.
Sans compter 54 conventions nominatives INAMI
qui seront reprises par la Région. Lire l’article intégral ici.
Les parents belges réclament, comme en France,
un système d’auxiliaires de vie scolaire (AVS, ou le nouveau statut d’AESH :
accompagnant d’enfant en situation de handicap). En France, ils n’ont guère le
choix pour scolariser l’enfant dans l’ordinaire… Mais les équipes belges qui
scolarisent par la suite ces enfants français habitués aux auxiliaires
témoignent que ces enfants ne savent rien faire sans l’aide d’un adulte. Ces
professionnels, peu formés, précaires, agissent la plupart du temps à la place
de l’enfant et ne savent pas le rendre autonome, à de rares exceptions près. Si
pour certains besoins spécifiques, comme par exemple un handicap physique
important, la présence de l’AVS se justifie, elle peut paradoxalement entraver
l’accès à l’autonomie des enfants avec un handicap mental ou cognitif.
Cela serait une porte ouverte pour arrêter les
interventions des enseignants spécialisés, des puéricultrices, des infirmiers,
des éducateurs spécialisés, des logopèdes, des kinésithérapeutes, des
psychologues, etc. qui œuvrent dans l’enseignement spécialisé ou intégré. Il
est certain qu’il serait bien plus économique pour un gouvernement de faire
appel à des AVS, même si cela va à l’encontre de l’avenir de l’enfant.
Il y en a peu en Belgique : quelques
emplois aidés, des ACS, des « stewards » financés par des communes…
Une autre maman avait scolarisé avec succès sa
fille après beaucoup d'investissement de sa part, mais cela s’est mal passé par la suite : apparemment, l’école ne l’avait
pas avertie de troubles du comportement et ils ont choisi de la scolariser en
maternel avec son ancienne institutrice à laquelle elle était habituée en lui
fournissant le programme de primaire. On peut regretter le manque de
concertation, qui a amené la maman à choisir de scolariser l’enfant à la
maison. La maman a fait filmer sa fille en crise de larmes car elle voulait
aller à l’école comme sa sœur, allées et venues fréquentes de la maman dans la
pièce, maman qui lui promet plusieurs fois de lui ramener un bonbon, ce qui
bien évidemment augmente l’importance de la crise avant (enfin !) sa
sortie.
Vidéo diffusée et largement partagée sur les
réseaux sociaux.
Il y a 3 ans, j’avais aussi été interloquée en
voyant dans les journaux une interview d’un papa avec un enfant dyslexique qui
se plaignait de l’école secondaire de son fils, qui ne faisait aucun
aménagement raisonnable. L’école était présentée comme élitiste. Le papa
voulait fonder une association pour créer des outils pour les enfants
dyslexiques, il n’était apparemment pas au courant de ceux qui existent déjà. Un
contact Facebook m’avait dit : « Ce n’est pas là où tu voulais
inscrire ton fils ? »
Ben si, justement. Ça fait peur ! Mais j’y
ai quand même inscrit mon fils, en précisant son autisme, ce à quoi on m’a
répondu : « ici, notre philosophie est d’inclure les enfants à
besoins spécifiques, nous avons plusieurs enfants dys inclus et nous
travaillons avec leurs logopèdes ».
Lors des 1ers problèmes (consignes mal
comprises), la psychologue qui suivait mon fils est venue rencontrer tous ses
professeurs sur le temps de midi. Elle m’a dit : « je n’ai jamais vu une
école aussi engagée dans l’inclusion ».
Une autre maman, dont le fils adolescent avait
aussi un Syndrome d’Asperger, m’avait avertie que si au primaire cela se
passait bien, et que malgré que les écoles prétendent être accueillantes, il n’y
avait aucune aide au secondaire. C’était peut-être son cas, mais je pense qu’il
ne faut pas généraliser, dans un sens comme dans l’autre (positif ou négatif).
Cette maman disait que le service auquel j’avais
fait appel pour le mien avait refusé son fils, trop peu atteint, que j’avais
utilisé des passe-droits. Elle a dit cela en public, alors qu’au téléphone peu
avant elle m’avait dit que ce service était venu dans l’école secondaire de son
fils pour leur expliquer le syndrome et les aménagements raisonnables, mais
soit.
En vérité, le mien avait aussi été refusé, pour
la même raison ; le service préférant privilégier des cas lourds, n’ayant
pas assez d’heures pour tous leurs bénéficiaires. J’en avais alors parlé à l’ex-AWIPH,
(l’agence wallonne pour l’intégration des personnes handicapées, aujourd’hui l’AViQ,
l’agence pour une vie de qualité), en disant que je ne demandais pas pour mon
fils, car je pouvais prendre quelqu’un en libéral, mais que d’autres parents ne
le pouvaient pas, et qu’il fallait remédier à cette situation. 7 mois après, le
service m’a téléphoné en disant qu’il avait pu embaucher du personnel et qu’il
pouvait suivre mon fils.
Cette maman aussi médiatise son fils
négativement, mais au moins il est majeur et il peut décider ou pas d’apparaître.
Les enfants mineurs n’ont pas ce choix. Je
pense que les parents devraient penser aux conséquences.
Je pense que ce post va encore déchaîner les
tempêtes, comme le car-wash sexy pour l’autisme a attiré les foudres des
féministes. Il est contre-productif de piétiner une cause pour en défendre une
autre. Je suis maman d’enfant avec autisme et féministe.