dimanche 6 novembre 2016

Femmes 3000 et attendre l'an 3000 pour que ça change ?

Vendredi 4 novembre, j’ai reçu la médaille d’argent du trophée 2016 « Femmes 3000 ». Je comptais sur cette opportunité pour secouer les consciences, alerter du sort qui est réservé aux personnes handicapées et leurs familles en France, mais je n’ai eu que quelques dizaines de secondes pour m’exprimer…

Alors, je retranscris ici le discours que je n’ai pas pu prononcer. Voici ce que j’aurais dit si j’avais pu le faire :

« Quand la Présidente de la Fédération Femmes 3000, Mme Annie Beulin-Weber, m’a contactée pour le trophée 2016, sur proposition de l’Ambassade de France en Belgique, j’ai examiné le dossier de candidature. Il me semble que je ne rentrais pas exactement dans les cases, mais c’est habituel chez moi.

J’ai rempli le dossier et quelle ne fut pas ma surprise de savoir que la médaille d’argent m’était attribuée. J’en étais très honorée, et encore plus lorsque j’ai su que la lauréate était Mme Pascale Jeannot, qui lutte contre la drépanocytose à Madagascar. Être sa « dauphine » est une grande distinction.

La cause du handicap qui me tient à cœur, et plus particulièrement celle de l’autisme, doit supporter d’immenses injustices.
C’est un sentiment étrange et ambivalent qui m’envahit ce soir. Je suis reconnaissante et fière de cette récompense qui amène un éclairage sur les personnes avec handicap et leur famille. Mais d’un autre côté, je ne peux pas cacher la cruelle réalité de leur vie.

Ces six derniers mois, nous avons connu 5 drames, liés à l’autisme, en France. Suicides et/ou infanticides, une maman qui tue son enfant et se tue ensuite, un papa qui tue son fils adulte, une maman qui se défenestre du 8e étage, laissant veuf son mari et orphelins ses deux enfants autistes qui n’avaient aucune prise en charge puisque l’école de la république ne voulait pas d’eux, ce qui faisait peser sur leur maman une menace de signalement à l’aide à l’enfance…

Beaucoup de ces familles cherchent une solution à ce marasme en Belgique. De campagne médiatique en campagne médiatique contre ce qu’on dénonce comme « l’exil » en Belgique, les autorités ont décidé de mettre un coup d’arrêt à cette transhumance. Le problème est qu’on a alors « mis la charrue avant les bœufs ». Il aurait fallu élaborer un plan pluriannuel avant de cesser cet exode. Aujourd’hui, les familles n’ont pratiquement plus cette issue de secours qui, si elle est discutable, vaut toujours mieux que rien…

Au moment où je vous parle, une famille est au bord du suicide collectif depuis de longs mois. Les autorités n’ont pu trouver pour leur enfant, dans toute la France, qu’une solution à 750 km de leur domicile, dans un institut fermé le week-end, ce qui contraindrait les parents à effectuer 2 allers-retours hebdomadaires, soit 3000 km par semaine. C’est évidemment impossible.

Je pense ce soir à mon fils. Lui qui, étant petit, présentait des troubles sévères d’autisme, il est à présent un jeune adolescent heureux et brillant. Lorsque j’ai constaté ses progrès fulgurants dus à une éducation adaptée, j’ai su que ma voie était d'essayer de redistribuer cette chance aux autres familles. C’est ce que je tente de faire depuis, et aussi de venir en aide à nos milliers de compatriotes handicapés en Belgique et leurs proches.

Mais le bénévolat a ses limites : il n’a pas le pouvoir de décider des politiques à mener.
Nous sommes déjà en période électorale. Si vous avez la curiosité de vous pencher sur les programmes des candidats à la présidentielle en matière de handicap, la vacuité de leurs propositions vous donnera le vertige.

Il ne suffirait pourtant que d’un quinquennat pour changer la vie des personnes handicapées de ce pays et celle de leurs familles. Une révolution est tout à fait envisageable sur ce laps de temps, et ne demande pas plus de moyens financiers, ou si peu, que ceux en cours, mais leur réorientation vers des systèmes efficaces ; et c’est bien là que pêche la volonté politique.
Alors, je vais profiter de cette soirée pour lancer un appel. Nous avons beaucoup de préoccupations comme l’emploi, le terrorisme. Si ce sont des sujets majeurs, les 12 millions de Français handicapés représentent la plus importante des communautés, sans compter leur entourage.
Les personnes handicapées sont en 2016 rejetées de la société, parquées dans des instituts, enfermées dans des hôpitaux psychiatriques.
Gandhi disait « On reconnaît le degré de civilisation d'un peuple à la manière dont il traite ses animaux ».

Avant-hier, j’ai fait un rêve. J’ai rêvé qu’il n’y avait plus de pétition dans les écoles pour rejeter les enfants en situation de handicap, j’ai rêvé que l’on n’accusait plus les mères d’être responsables du handicap de leur enfant, j'ai rêvé que les couples ne se défaisaient plus en raison du handicap de leur enfant, j’ai rêvé que des parents ne prient plus tous les jours pour que leur enfant meure avant eux, j’ai rêvé que je n’avais plus d’appels désespérés de familles au bout du rouleau. Puis je me suis réveillée et le cauchemar de la vie a repris.

Je n’ai pas compté les dizaines de sollicitations que j’ai reçues en une journée. Je ne compte pas, car je n’ai pas le temps. Pourquoi cette double, cette triple peine de l’exclusion et des bâtons dans les roues que l’on ajoute au handicap ?

Merci de votre écoute. Que vous puissiez vous faire l’écho de cette souffrance afin qu’enfin, les choses changent. J’ai 50 ans et je voudrais voir cela de mon vivant.
Merci de relayer la voix de ceux que l’on n’écoute pas. »







1 commentaire:

Mirabelle a dit…

Excellent article, le titre à lui seul dit bien ce qu'il veut dire, monde pourrit qui ne voit jamais que l'écume ... moi aussi j'espère voir les choses évoluer, sinon à quoi bon ?
mais on n'est vraiment pas aidées ... dans cette hypocrisie ambiante !