Vendredi
4 novembre, j’ai reçu la médaille d’argent du trophée 2016 « Femmes 3000 ».
Je comptais sur cette opportunité pour secouer les consciences, alerter du sort
qui est réservé aux personnes handicapées et leurs familles en France, mais je
n’ai eu que quelques dizaines de secondes pour m’exprimer…
Alors, je
retranscris ici le discours que je n’ai pas pu prononcer. Voici ce que j’aurais dit si j’avais pu le faire :
« Quand la Présidente de la Fédération Femmes 3000, Mme Annie Beulin-Weber, m’a contactée pour le trophée 2016, sur
proposition de l’Ambassade de France en Belgique, j’ai examiné le dossier de
candidature. Il me semble que je ne rentrais pas exactement dans les cases,
mais c’est habituel chez moi.
J’ai rempli le dossier et quelle ne fut pas ma
surprise de savoir que la médaille d’argent m’était attribuée. J’en étais très
honorée, et encore plus lorsque j’ai su que la lauréate était Mme Pascale Jeannot, qui lutte contre la drépanocytose à Madagascar. Être sa « dauphine »
est une grande distinction.
La cause du handicap qui me tient à cœur, et
plus particulièrement celle de l’autisme, doit supporter d’immenses injustices.
C’est un sentiment étrange et ambivalent qui
m’envahit ce soir. Je suis reconnaissante et fière de cette récompense qui
amène un éclairage sur les personnes avec handicap et leur famille. Mais d’un
autre côté, je ne peux pas cacher la cruelle réalité de leur vie.
Ces six derniers mois, nous avons connu 5
drames, liés à l’autisme, en France. Suicides et/ou infanticides, une maman qui
tue son enfant et se tue ensuite, un papa qui tue son fils adulte, une maman qui
se défenestre du 8e étage, laissant veuf son mari et orphelins ses
deux enfants autistes qui n’avaient aucune prise en charge puisque l’école de
la république ne voulait pas d’eux, ce qui faisait peser sur leur maman une
menace de signalement à l’aide à l’enfance…
Beaucoup de ces familles cherchent une solution
à ce marasme en Belgique. De campagne médiatique en campagne médiatique contre
ce qu’on dénonce comme « l’exil » en Belgique, les autorités ont
décidé de mettre un coup d’arrêt à cette transhumance. Le problème est qu’on a
alors « mis la charrue avant les bœufs ». Il aurait fallu élaborer un
plan pluriannuel avant de cesser cet exode. Aujourd’hui, les familles n’ont
pratiquement plus cette issue de secours qui, si elle est discutable, vaut
toujours mieux que rien…
Au moment où je vous parle, une famille est au
bord du suicide collectif depuis de longs mois. Les autorités n’ont pu trouver
pour leur enfant, dans toute la France, qu’une solution à 750 km de leur
domicile, dans un institut fermé le week-end, ce qui contraindrait les parents à
effectuer 2 allers-retours hebdomadaires, soit 3000 km par semaine. C’est
évidemment impossible.
Je pense ce soir à mon fils. Lui qui, étant
petit, présentait des troubles sévères d’autisme, il est à présent un jeune
adolescent heureux et brillant. Lorsque j’ai constaté ses progrès fulgurants dus
à une éducation adaptée, j’ai su que ma voie était d'essayer de redistribuer
cette chance aux autres familles. C’est ce que je tente de faire depuis, et
aussi de venir en aide à nos milliers de compatriotes handicapés en Belgique et
leurs proches.
Mais le bénévolat a ses limites : il n’a
pas le pouvoir de décider des politiques à mener.
Nous sommes déjà en période électorale. Si vous
avez la curiosité de vous pencher sur les programmes des candidats à la présidentielle
en matière de handicap, la vacuité de leurs propositions vous donnera le
vertige.
Il ne suffirait pourtant que d’un quinquennat
pour changer la vie des personnes handicapées de ce pays et celle de leurs
familles. Une révolution est tout à fait envisageable sur ce laps de temps, et
ne demande pas plus de moyens financiers, ou si peu, que ceux en cours, mais leur
réorientation vers des systèmes efficaces ; et c’est bien là que pêche la
volonté politique.
Alors, je vais profiter de cette soirée pour
lancer un appel. Nous avons beaucoup de préoccupations comme l’emploi, le
terrorisme. Si ce sont des sujets majeurs, les 12 millions de Français
handicapés représentent la plus importante des communautés, sans compter leur
entourage.
Les personnes handicapées sont en 2016 rejetées
de la société, parquées dans des instituts, enfermées dans des hôpitaux
psychiatriques.
Gandhi disait « On reconnaît le degré de
civilisation d'un peuple à la manière dont il traite ses animaux ».
Avant-hier, j’ai fait un rêve. J’ai rêvé qu’il
n’y avait plus de pétition dans les écoles pour rejeter les enfants en
situation de handicap, j’ai rêvé que l’on n’accusait plus les mères d’être
responsables du handicap de leur enfant, j'ai rêvé que les couples ne se défaisaient plus en raison du handicap de leur enfant, j’ai rêvé que des parents ne prient
plus tous les jours pour que leur enfant meure avant eux, j’ai rêvé que je
n’avais plus d’appels désespérés de familles au bout du rouleau. Puis je me
suis réveillée et le cauchemar de la vie a repris.
Je n’ai pas compté les dizaines de
sollicitations que j’ai reçues en une journée. Je ne compte pas, car je n’ai
pas le temps. Pourquoi cette double, cette triple peine de l’exclusion et des
bâtons dans les roues que l’on ajoute au handicap ?
Merci de votre écoute. Que vous puissiez vous
faire l’écho de cette souffrance afin qu’enfin, les choses changent. J’ai 50
ans et je voudrais voir cela de mon vivant.
Merci de relayer la voix de ceux que l’on
n’écoute pas. »
1 commentaire:
Excellent article, le titre à lui seul dit bien ce qu'il veut dire, monde pourrit qui ne voit jamais que l'écume ... moi aussi j'espère voir les choses évoluer, sinon à quoi bon ?
mais on n'est vraiment pas aidées ... dans cette hypocrisie ambiante !
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