Cette
fois, c’est un jugement d’un tribunal administratif français, qui a condamné l’État à
indemniser des familles pour l’éloignement à l’étranger (en Belgique) et pour
les carences en matière d’accompagnement, obligeant les familles à régler sur
leurs deniers les interventions recommandées pour l’autisme, contraignant
souvent l’un des parents à renoncer à sa carrière.
Il est un fait qu’en ce qui concerne les enfants, nombreuses sont
les familles à rechercher les solutions de scolarisation en Belgique qu’elles
ne peuvent trouver en France, tant d’enfants avec autisme étant rejetés du système
scolaire. Il faut aussi dire que depuis les années 80, la Belgique applique au
scolaire les approches qui ont été recommandées bien plus tard, notamment le
TEACCH (Treatment and Education of Autistic and related Communication
handicapped CHildren).
La
France a innové dernièrement en créant les unités d’enseignement maternel
autisme, mais au regard de la prévalence de l’autisme (1 sur 150 selon la HAS (Haute
Autorité de Santé), 1 sur cent selon l’OMS, que pèseront les 700 places prévues
sur tout le territoire en 2017 ?).
En
ce qui concerne les adultes, c’est clairement un manque de places qui pousse à
l’exil.
Quant
à la qualité des solutions proposées en France… Malgré les orientations prises
par le plan autisme III qui suit comme fil rouge les recommandations de la HAS et de l’ANESM (Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des
établissements et services sociaux et médico-sociaux), cet engagement se heurte
à de nombreuses résistances sur le terrain, visant à contrer son application.
Pis, nombre de formations des futurs professionnels se basent toujours sur des
concepts dépassés, psychanalytiques, qui nient les causes organiques de l’autisme
et s’opposent à l’éducation et à l’inclusion des personnes avec autisme. C’est
dire si le futur de l’autisme en France est d’ores et déjà bien compromis…
Cette
condamnation est-elle en mesure de bouleverser l’ordre des choses ? Que
sont les sommes accordées par ce jugement en regard de la destruction du projet de vie d’une
personne et de ses proches ? Que sont les sommes attribuées par cette décision en regard de ce qu’il faudrait financer pour sortir notre pays de l’ornière ?
Pourtant, il suffirait seulement de réaffecter les énormes dépenses consacrées,
en ce qui concerne l’autisme, aux formations obsolètes, au secteur sanitaire,
aux solutions d’exclusion de la société, aux approches non recommandées, au
renoncement à l’emploi pour les personnes concernées comme pour leurs parents…
réaffecter ces dépenses aux formations actualisées, aux approches recommandées,
à l’inclusion dans la société dès le plus jeune âge, au
soutien des familles… pour non seulement ne pas devoir investir plus mais, de
surcroît, réaliser des économies à court, moyen et long terme.
Peut-on
compter sur l’effet « massue », d’un point de vue moral, de cette
condamnation ? Apparemment, peu a importé à notre pays une condamnation
ou d’autres reproches, et même, fussent-ils internationaux :
-
5 condamnations au Conseil de l’Europe.
-
ONU :
le Comité des Droits de l’Homme, comme celui de l’Enfant, ont demandé des comptes à la France.
-
À
venir : l’examen du rapport de l’application de la Convention relative aux
droits des personnes handicapées… quand la France l’aura enfin présenté.
L’on
dit souvent que notre pays est la risée, notamment du monde scientifique, pour
sa vision de l’autisme. Mais que peut-on voir de drôle au drame du massacre de
milliers de familles ?
Mme Ségolène
Neuville, Secrétaire d'État aux personnes handicapées, a indiqué aujourd'hui que le gouvernement ne ferait pas appel des récentes
décisions de justice reconnaissant un retard dans la prise en charge des
enfants autistes en France, que les pouvoirs publics essaient de combler. « Je
ne suis pas étonnée par ce jugement parce qu'en France, nous avons réellement
un retard pour la prise en charge des enfants autistes, retard que je
qualifierais d'historique car ça fait très longtemps que c'est comme ça »,
a déclaré Ségolène Neuville.
Ce
n’est pas de la langue de bois et c’est à saluer, mais les actes doivent suivre
les discours. Il est vrai que notre pays a plusieurs décennies de retard. Auxquelles
se rajoute le temps des décisions et de leur mise en œuvre. Ce temps ne
respecte pas celui de nos enfants et adultes avec autisme, qui est celui de l’urgence.
Il faut arrêter de rajouter ce temps supplémentaire à ce retard. Retard qu’on
ne comblera jamais qu’en réparation des dommages causés. Il faut sauter
par-dessus pour rattraper le 21e siècle. Aujourd’hui. Parce que pour
l’autisme, la France s’est égarée quelque part au milieu du 20e.
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