jeudi 19 février 2015

Remise d'Ordre National du Mérite


 
 
Je commencerai par un remerciement à notre ambassadeur Bernard Valero pour son émouvant discours d’aujourd’hui et son action de toujours. Une amicale pensée pour notre ancien consul, Sylvain Berger, parti pour remplir sa mission en Turquie. Aujourd’hui notre nouveau Consul, Marie-Christine Butel, a eu à cœur, entre autres actions, de reprendre très efficacement les dossiers en cours, dont ceux concernant nos compatriotes en situation de handicap résidant en Belgique. Je salue aussi notre Consul général-adjoint Matthieu Clouvel, avec qui je collabore très souvent à ce sujet.
 
C’est un jour particulier aujourd’hui : depuis l’année dernière, la France a décidé que le 18 février serait la journée nationale du Syndrome d’Asperger, d’après le jour de naissance du médecin Hans Asperger qui découvrit ce trouble du spectre de l’autisme. Quelle date symbolique pour ce jour ! Je n’oserais pas dire le contraire, étant épouse et mère de deux merveilleux hommes porteurs du syndrome.

 Il n’y a pas de mots pour décrire combien je suis honorée de cette distinction et combien elle m’encourage à continuer sur la voie que j’ai empruntée il y a des années. Ce n’est pas que ma modeste personne qui est  honorée aujourd’hui ; c’est aussi la cause que j’essaie de servir au mieux qui est ainsi mise en valeur. Et c’est, il me semble, surtout un message de solidarité adressé aux familles auxquelles je tente de redistribuer la chance que la mienne a reçue.

 Stefan Zweig disait : « Toute vie qui ne se voue pas à un but déterminé est une erreur ».

 Je me rappelle mon premier contact avec Philip Cordery, qui n’était pas encore notre député des Français du Benelux, mais présentait sa candidature aux élections. Notre première rencontre m’a agréablement surprise ; j’y ai découvert une personnalité tout à fait connectée au quotidien et se faisant une haute idée du service à ses futurs administrés.

 Philip, dès le premier jour, je t’ai accordé ma confiance et mon estime et toutes deux ne furent jamais déçues, bien au contraire. Depuis le début de ton mandat, tu contribues grandement à améliorer le sort des Français en situation de handicap, que ce soit en Belgique ou en France où tu es vice-président du groupe d’études « Autisme » à l’Assemblée Nationale.
Tu as soutenu sur ta réserve parlementaire la délégation d’Autisme France pour les Français en situation de handicap en Belgique, ce qui lui a permis, entre autres actions, d’éditer un guide à leur intention et à celle de leur famille. En renouvelant cette aide, tu permets de développer la nôtre, car la demande est forte. Il faut dire qu’entre les enfants et les adultes, il y aurait environ 6600 personnes concernées et leurs familles. Je salue tes collaboratrices Amandine, Laure et Chloé, toujours sur la brèche. J’ai une pensée pour Rebecca, dont Amandine a pris le relais.
 
J’allais oublier de vous dire que Philip est un jeune retraité des terrains de rugby. Si un jour, vous voyez à la télé un député entonner l’hymne des supporters du Rugby Club Toulonnais, le fameux PILOU-PILOU, en pleine Assemblée Nationale, vous saurez… qu’il a perdu un pari contre moi.

 Je salue aussi tout ce cercle solidaire des Français de Belgique, les élus de l’Assemblée des
Français de l’Étranger, les conseillers consulaires, dont l’idéal commun est de vouloir œuvrer à l’amélioration de la société. Cela passe bien sûr par le dévouement à son prochain, particulièrement celui qui se trouve en difficulté.

Cécilia Gondard, Patricia Grillo, Tanguy Lebreton, Anne Monseu-Ducarme, Georges-Francis Seingry, Francine Bougeon-Maassen. Francine, nous étions ici même en septembre, pour la remise de ta Légion d’Honneur, où le handicap là aussi fut à l’honneur, nous savons combien
cette cause te tient à cœur…

Je n’oublierai pas de citer également Nathalie Griesbeck, députée européenne du Grand Est, qui, à son grand regret, n’a pas pu être des nôtres aujourd’hui. Nathalie à qui j’envoie régulièrement
les éditoriaux de JFK dans la presse belge. J’ai entendu parfois cette question, posée par nos amis belges : « Mais les Français ne savent pas que JFK est mort ? ». Il ne s’agit pourtant pas de John Fitzgerald Kennedy, mais de Jean-François Kahn

Nathalie a largement aidé à faire naître une Unité Mobile d’Intervention pour les personnes avec autisme dans sa circonscription. Ce projet est né d’une collaboration franco-belge, nos amis du SUSA de Mons (le Service Universitaire Spécialisé pour personnes avec Autisme), que je salue ici, étant partenaires. Mais Nathalie nous a dépêché son fidèle représentant Louis Cavalli dit « Loulou » que j’embrasse bien fort, venu ici avec un ami, John Lippis, auteur-compositeur-interprète, qui partage son dévouement pour la cause du handicap et celle de nos aînés. John, merci pour nous accompagner de ton talent. C’est un beau cadeau pour une si belle journée.

Nous sommes tous susceptibles d’être touchés par le handicap, peu importe l’endroit où nous
sommes nés, n’en déplaise à Maxime Leforestier. Le handicap frappe partout ; que l’on soit aisé ou précaire. C’est naturellement plus facile d’obtenir des aides quand on peut en assumer la part financière… Pour les autres, ce sera plus difficile. Mais il existe une grande solidarité dans le monde du handicap, et cette solidarité dépasse certains clivages. C’est une leçon de vie à retirer, en ces temps troublés où tant d’idées, préconçues ou pas, nous divisent…

 On attribue cette phrase à Robert Kennedy (le frère de JFK, le 1er JFK pour ceux qui suivent et ne se sont pas encore endormis) : « Peu de gens ont suffisamment de notoriété pour modifier le cours de l'histoire, mais chacun de nous peut travailler à changer un petit nombre d'évènements... Ce sont d'innombrables actes de courage et de foi qui façonnent l'histoire de l’humanité ».
 
Ma Chère Marie Garcia, toi qui es à la fois dans l’associatif pour le handicap et l’enseignement, et exerce des responsabilités politiques en Ile-de-France, tu représentes mieux que quiconque les deux leviers qui peuvent soulever le monde. Le tout étant de trouver le bon point d’appui pour donner raison à Archimède.
 
J’en viens donc tout naturellement au secteur associatif, qui constitue ma famille de cœur.

-L’APEPA (l’Association des Parents pour l’Épanouissement des Personnes avec Autisme), où je suis administratrice et plus particulièrement en charge des questions d’enseignement et des Français de Belgique. L’APEPA, qui fête ses 40 ans cette année, est ici représentée par sa Vice-Présidente et chargée des relations publiques, Miss « Mc Laren » de l’avenue Louise, j’ai nommé : Alice Suls. Mesdames, Messieurs, si vous voulez essayer une belle voiture, allez dire un mot à Alice ;

-Les autres associations de la concertation que je représente dans divers groupes de travail : l’AFrAHM (pour le handicap mental), l’APEM T21 (pour la trisomie 21), l’AP³ (pour le polyhandicap)
ici représentées par Thérèse Kempeneers ;

- Ensemble pour une Vie Autonome et sa Présidente, mon amie Corinne Lassoie, la plus fervente
militante de Belgique francophone pour une vie indépendante (on va y arriver Corinne) ;

- Autisme France dont je suis la Secrétaire Générale et la Déléguée aux Français de Belgique, ici représentée par son Président, Christian Sottou et Danièle Langloys, Déléguée générale et Vice-Présidente, et, pour les associations partenaires, Fouzia Bruzzi d’Île-de-France, et, pour le Nord-Pas-de-Calais : Marie-France Leman, Bernard Annota et son épouse Odile, Eugène Urban et son épouse Marie-Claude.
Eugène est le Président de SATTED, service de répit qui accueille pendant les vacances scolaires françaises et belges les petits Français avec autisme, qu’ils soient scolarisés en France ou en Belgique. Danièle, nos échanges de SMS sont si fréquents que Proximus, l’opérateur belge, a gagné
plusieurs points en bourse m’a-t-on dit. Ton fournisseur de téléphonie mobile te déroule-t-il le tapis rouge lorsque tu franchis le seuil d’une de ses boutiques ?

Je rajouterais un mot. Violette, de Picardie, aurait dû être là. Mais elle n’a pas pu venir car aujourd’hui elle doit se battre pour son enfant qui est déscolarisé. Elle doit se battre aussi pour son association car le réseau de l’école de son fils retire en même temps son partenariat en la privant des locaux pour abriter son association, laissant 40 familles sur le carreau. Cela jette une ombre sur cette journée, mais c’est le quotidien de tant de familles, et il fallait que cela soit dit aujourd’hui. Violette, nous pensons fort à toi, et je dédie cette médaille à tous ces parents qui luttent pour leurs enfants et pour leur idéal d’une société qui, enfin, arrêterait de les rejeter. J’espère ne pas mourir de vieillesse avant d’avoir vu cela.

On ne va pas continuer plus longtemps  à plomber l’ambiance, je reprends mes salutations. Les prochaines victimes :

-   Le Conseil Français des Personnes handicapées pour les questions européennes, ici représenté par son délégué Philippe Miet.

-  Autisme Europe, sa Directrice Aurélie Baranger.

 Autre association amie que je salue :
-  MENSA Belgique car les besoins éducatifs particuliers ne concernent pas que la déficience, et mon ami Thierry Marchand, animant la branche MENSA Youth.

 Je tiens à accorder une place particulière à ce qui en prend tant dans ma vie, le Conseil Supérieur de l’Enseignement Spécialisé, et ses membres du secteur associatif.

-  D’abord, je rends hommage à ma complice Éliane Demunter, présidente de « GrandirEnsemble ». Tout un programme que le nom de cette association qui n’en regroupe pas moins de onze. Éliane,
je serais perdue sans tes conseils avisés ! Nous vivons en symbiose : tu m’imprègnes de ta longue expérience, je t’apporte ma modeste « expertise » en autisme… Éliane, Pierre-Joseph, si vous voulez dire un mot à M. l’Ambassadeur à propos des nombreuses voitures qui se garent chaque jour devant votre entreprise en face du Lycée français, c’est aujourd’hui ou jamais.

-   Dominique Damas, Présidente de X-Fragile Belgique (elle qui est si solide) et avec qui je compose
un tandem de choc ;

-   Philippe Rateau qui a siégé longtemps au Conseil Supérieur, lui apportant tellement ! Philippe
en est « l’autre Français ». Mais, contrairement à ce que j’ai vécu, personne n’y a relevé son accent : il n’en a pas. Quant au mien, j’avais délibérément choisi de ne pas le perdre. Ainsi, tout Belge a l’impression d’être en vacances quand je parle et qu’il m’écoute en fermant les yeux… Je pourrais toujours me recycler professionnellement en inventant le « téléphone bleu »… Il me faudra juste un fond sonore avec le glouglou de l’eau fraîche qui coule sur un pastis et ses glaçons, des tirs de pétanque et un orchestre de cigales…

Mais au Conseil supérieur, il n’y a pas que des associations, loin s’en faut ! Il y a aussi de grands professionnels dont l’intelligence le dispute à l’efficacité, qui le dispute elle-même au dévouement. Je salue donc ces autres membres, actuels et anciens, ici présents :

-  Christophe Quittelier, qui a été lui-même décoré de la Légion d’Honneur par Michèle Boccoz, votre prédécesseur, Monsieur l’Ambassadeur, pour avoir « sauvé » par l’éducation tant de petits Français dans son école près de la frontière ;

-   Geneviève Vandecasteele, qui inspecte si nos chères têtes blondes sont à bonne école (pas de chance pour les enseignants ici présents : elle est là !) ;

-   Patrick Beaufort, grand voyageur devant l’Éternel, qui a tant fait et fait tant encore pour la cause des enfants à besoins éducatifs particuliers et leurs familles, partout où il passe en Belgique et dans toute l’Europe ;

-   Karin Van Der Straeten, qui représente le Délégué général aux droits de l’enfant. Avec elle, on peut dormir sur nos deux oreilles, nos enfants, petits et grands, sont en de bonnes mains protectrices.
 
Je salue bien bas ceux qui ont la patience de me supporter, les conseillers pour l’enseignement
spécialisé auprès de la Ministre Joëlle Milquet, à savoir Didier Duray et Paul-André Leblanc, auxquels je tiens à rendre hommage pour leur travail acharné et leur souci de nos enfants. Combien
de fois, grande gaffeuse que je suis, leur ai-je marché sur les pieds ! Heureusement que vous n’êtes pas rancuniers… N’est-ce pas ? N’est-ce pas ? Allez, je suis tout de même moins pénible que d’autres. Bon, d’accord, c’est facile.

Et que pourraient faire les associations si elles n’avaient pas autour d’elles des professionnels
si compétents et si investis ?

-  Notre cher Ghislain Magerotte, qui, trop pris par ses obligations, n’a pas pu être présent aujourd’hui. Un jour, il y a quelques années, mon fils m’a demandé : « Maman, est-ce que Ghislain habite à Saint-Ghislain ? » (C’est une commune proche de la nôtre). Il voulait déjà canoniser Ghislain ! Quoi de plus logique quand tant de familles voudraient lui élever une statue…

-   Eric Willaye, toi qui es toujours sur la brèche, et indispensable. Je rouspète sur les Français quand j’ai besoin de toi en Belgique et que tu es en France… ou bien souvent ailleurs, partout dans le
monde où l’on réclame ton expertise.

Savez-vous que c’est l’année de la France pour l’Université de Mons ? Les liens n’en seront que renforcés. J’espère que le Dr Willaye ne se confond pas entre les septante et les soixante-dix, les
nonante et les quatre-vingt-dix. Moi, j’ai l’habitude de compter en belge quand je suis en France et de compter en français quand je suis en Belgique… je suis toujours à contretemps.
 
-  Saïd Acef et Florence Bouy ; Saïd qui continue son action pour le handicap et l’autisme dans ses actuelles responsabilités au ministère du handicap en France et Florence qui forme les professionnels d’aujourd’hui et de demain…

- Je salue un autre professeur belge, Jacques Van Rillaer ; nous nous sommes connus au cours des péripéties de notre lutte commune pour faire triompher la science sur l’obscurantisme. Nous n’avons pas encore complètement gagné, mais ça viendra.
 
Surtout, je salue bien chaleureusement les professionnels du monde de l’éducation qui se sont
occupés de notre fils :

-   Stéphane et Laurence qui ont conduit et accompagné pendant des années, et ce, matin et soir, Wolfgang sur le chemin de l’école et du retour à la maison ;

-   Muriel dite « Madame Mumu ». La première institutrice spécialisée de Wolfgang (à la maternelle). Le monde est décidément bien petit, elle fut formée à l’autisme par un certain Ghislain Magerotte. Je me rappelle, Mumu, quand nous t’avons confié notre Wolfgang… Que de progrès a-t-il accomplis ! Les pages que tu remplissais chaque jour pour me raconter sa journée car, bien évidemment, je n’en aurais rien su par lui… Les paillettes dont tu parsemais ses cahiers et qui volaient partout dans la pièce sitôt le cartable ouvert… Ah que tu les aimais, les paillettes ! Mon aspirateur s’en souvient. Non, ce n’est pas vrai, il est largement mort et remplacé plusieurs fois depuis ; les PDG de Miele et de Hoover ont accroché ton portrait dans leur bureau, paraît-il…

- Pascal, attendu avec impatience chaque jour pour les devoirs mais aussi pour d’autres activités plus ludiques qui font de lui le grand blond, avec ou sans chaussure noire. (Seuls les initiés savent à quel autre rôle de Pierre Richard je fais allusion, c’est-à-dire : « le Jouet ») ;

-  Thierry : Séverine et toi, vous vous êtes aussi si bien occupés de Wolfgang, et puis au moins chez vous on ne doit pas finir l’assiette, ce n’est pas « l’enfer pour les anorexiques » comme chez le grand blond et son épouse à paillettes ;

Je tiens aussi à dire toute mon affection pour Georges et Céleste, qui furent témoins, depuis le début, de l’évolution de notre fils et dont l’indéfectible amitié nous a accompagnés, dans les épreuves comme dans les succès. Je remercie aussi de leur présence en cette belle journée les
parents des camarades de notre déjà grand Wolfgang : Charline et Luc, parents de Tamari et Kimera.

Cette liste de personnes à remercier serait incomplète si je ne citais pas les parrains du « projet Wolfgang » pour améliorer la scolarisation des enfants en situation de handicap en France :
Salvatore Adamo qu’on ne présente plus. François Pirette, le grand humoriste du Borinage que la France, que dis-je, le monde entier, nous envie. Et le grand croqueur devant l’éternel, ce cher dessinateur engagé dans tant de nobles causes : Serdu, qui hélas n’a pas trouvé de place pour se garer et a dû repartir.
François Pirette habite assez loin en France, dans la campagne, Adamo ne peut pas être parmi nous aujourd’hui car il travaille. Il avait un concert de prévu et n’a pas pu annuler…

Je voulais leur dire que, dans le cadre du plan autisme, entre 2014 et 2017, 100 classes à pédagogie adaptée à l’autisme sont ou seront ouvertes en maternelle, pour 700 élèves concernés. Pour le handicap en général : 100 autres classes du médico-social seront externalisées dans les écoles. Pour d’autres besoins éducatifs particuliers : la réduction du redoublement et l’élaboration d’alternatives à ce redoublement seront renforcées. Dans certaines écoles situées en zone d’éducation prioritaire, le concept de « plus de maîtres que de classes » est déjà instauré. On fabrique les outils pour développer la maîtrise du français chez nos tout-petits. Même si ce n’est pas encore assez, c’est encourageant et ces résultats nous poussent à persévérer.

Enfin, la famille est là ! Je tiens à remercier mes sœurs Aline et Josiane, mon beau-frère Nicolas pour le long voyage depuis le Var qui leur a permis d’être présents ici aujourd’hui. Je me rappelle, lorsque j’étais jeune, je me moquais d’Aline car elle passait son temps à aider autrui. Et en vieillissant, je fais pareil. Je dois donc, pour être juste, fustiger cette jeune femme égoïste que j’étais. Quant à Josiane, je n’aurais jamais son autorité naturelle… elle me serait pourtant bien utile.
J’aurais été bien inspirée de m’en moquer aussi !

J’ai bien sûr une pensée pour mes parents que l’âge, la fatigue et la maladie ont empêché d’être parmi nous.
 
Un jour, la vie a décidé que je deviendrai plus âgée que mon grand frère. Je sais qu’il aurait été fier de moi. Il me manque tous les jours, dans la peine comme dans la joie. Je salue tous ceux qui nous ont quittés, et ceux qui n’ont pas pu être présents malgré qu’ils aient fort désiré l’être.

À toi mon mari, qui supportes depuis si longtemps mes absences, mes déplacements, mes veillées tardives (avec ta sempiternelle question « Viens-tu encore te coucher ? »), mes réveils très matinaux, les dossiers qui m’accaparent. Toi qui dois insister plusieurs fois le matin pour que je
descende prendre le petit déjeuner, pratiquement le seul repas en commun de la journée, quand on prend bien souvent les autres repas devant nos ordinateurs le reste du temps. (Il paraît qu’il ne faut
pas le faire ; cela reviendrait à entretenir un réservoir à bactéries, mais on le fait quand même).

Toi qui acceptes de voir tant de samedis consacrés à des colloques et réunions en tout genre tandis
que tu emmènes notre fils au cinéma, au musée, au restaurant… Toi qui restes stoïque quand je passe tant de temps devant l’ordinateur ou pendue au téléphone…  Toi qui dois, parfois, pour
arriver à communiquer avec moi, m’envoyer un email alors que tu es en face de moi… Toi qui, à chaque fois que tu es disponible, me conduis à mes rendez-vous…

Homme rare qui arrive à s’accommoder de mon impulsivité quand même moi j’ai du mal… De mon chagrin quand je vois tant de malheurs autour de moi. De mes insomnies agitées quand les sujets de la journée m’occupent trop la nuit pour laisser la place au rêve.

Cette décoration, tu en portes ta large part. Nous formons une solide équipe. Quand le handicap
sépare énormément de couples, ceux qui restent unis deviennent très soudés.  Peu de pères traverseraient quasi-quotidiennement un pays, même pas très grand comme la Belgique, pour
aller travailler afin que leur enfant puisse disposer des interventions les plus adaptées. Je t’aime mon Cher Mari.

À toi mon fils Wolfgang, par qui tout est arrivé. Tu dis souvent que si tu n’étais pas là, je ne serais pas si « connue ». C’est vrai. J’aurais probablement une petite vie égoïste et confortable, avec
pour seuls soucis de choisir couleurs et matières pour décorer la maison, plantations pour le jardin… Le bagne quoi… (Tu remarqueras que je n’ai pas dit « shopping », je sais que tu détestes jusqu’à entendre ce mot. Je ne l’ai pas dit.)…

À l’annonce du handicap, beaucoup de parents se disent : « Pourquoi nous ? » ; moi je me suis dit « Pourquoi pas nous ? » je nous sentais armés déjà pour affronter ce qui allait suivre, et je me disais que c’était mieux que cela nous arrive plutôt qu’à d’autres familles qui auraient été plus dépourvues.

On me demande parfois pourquoi des enfants extra-ordinaires naissent ? Je pense que c’est parce qu’ils font sortir ce qu’on a de meilleur en nous, et même, qu’ils nous rendent meilleurs. Nous avons eu la chance de te voir faire d’immenses progrès, de revenir parmi nous alors que tu étais né presque étranger… Cette chance a changé ma vie, car je n’ai eu de cesse depuis de vouloir la
transmettre à ceux qui ne l’ont pas eue.

J’espère vivre assez longtemps pour voir un jour cette chance exceptionnelle devenir la règle
dans nos deux pays. Victor Hugo, (Français ayant vécu en Belgique !), aurait dit : « Il n'est rien au monde d'aussi puissant qu'une idée dont l'heure est venue ».

Bien sûr, aujourd’hui tu es un jeune homme courtois, avenant (c’est d’ailleurs ton troisième prénom, que tu as mis un certain temps… à bien porter), tu es aussi un élève brillant et tout le monde me dit que je dois être fière de toi. C’est vrai. Pourtant, je veux que tu saches que tous les jours, et même lorsque les difficultés engendrées par ton autisme dépassaient largement ses avantages, nous, tes parents, avons été fiers de toi. Chaque jour depuis ta naissance.
 
À l’instar de Marc-Aurèle, j’espère recevoir : « le courage de changer les choses que je peux changer, la sérénité d'accepter celles que je ne peux pas changer, et la sagesse de distinguer entre les deux ».
 
Merci à tous d’être là en ce jour.

 

 

 

 



2 commentaires:

  1. Texte très émouvant et reconnaissance méritée.

    Bonne continuation Isabelle!

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  2. Merci ! On continue, du cœur à l'ouvrage

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