mardi 8 novembre 2016

Autisme : la dés-intégration scolaire

J’ouvre ce soir mon blog aux mots d’une amie de la région parisienne, Françoise Rodrigues, enseignante et maman d’un enfant avec autisme.
Une petite lettre écrite à six mains, en espérant que cette bouteille à la mer sera lue, en cette période préélectorale, par quelqu’un qui sera en mesure de changer les choses…

Mère d'un enfant autiste et enseignante, je suis comme tous les autres parents dans ma situation : j'aurais aimé que l'école de la République prenne en charge mon fils pour lui délivrer l'instruction à laquelle il a droit comme tous les autres enfants, et ne pas être contrainte ni de le voir s'enkyster dans des problèmes, ni de me sentir enfermée dans toutes ces difficultés administratives, ces lourdeurs qui en découlent, ni de me voir, l'angoisse dans l'âme et au cœur, le laisser partir à l'âge de cinq ans et demi en exil en Belgique, pour qu'il y aille fréquenter les écoles qui, ici, lui sont fermées.

Oui, j'aurais aimé que l'école de la République le prenne en son sein, l'aide à grandir, le soutienne, me soutienne. J'aurais aimé que le sort de ces « enfants différents » soit pris en charge par le Ministère de l'Éducation et pas par celui de la Santé.

Et soudain, sous l'effet de la révolte des parents qui me ressemblent, cette révolte qui sourd dans les réseaux sociaux, dans des émissions télévisuelles ou radiophoniques, l'inclusion point, sortie d'on ne sait où.
Mais quelle inclusion ? Et avec quels moyens ?

Ici je ne parlerai que des enfants autistes, c'est de leurs besoins que j'ai une idée plus précise. Moi qui m'attendais à voir naître dans chaque établissement scolaire des classes de six à sept élèves où le personnel serait assez nombreux pour mettre réellement chaque enfant au cœur des apprentissages en fonction de ses capacités avec une sorte de SESSAD présent dans cette école, et pour les enfants qui le pourraient une intégration plus ou moins longue dans une « classe lambda », je suis obligée d’abandonner mes légitimes ambitions pour constater que ces enfants, pour ceux qui le peuvent, sont intégrés si ce n'est de manière sauvage, disons au moins de manière désinvolte.

L'enseignant qui les accueille doit faire face à leurs particularités sans aucune formation (si ce n'est personnelle), sans aucune connaissance du trouble (si ce ne sont les renseignements glanés çà et là par le bouche à oreille), avec juste sa bienveillance, son humanité, sa conscience professionnelle, mais aussi avec cette idée angoissante qu'il y a également entre vingt-quatre et vingt-neuf autres têtes pensantes dont il faut s'occuper, comme si les enseignants étaient tous des avatars de la déesse Shiva.
Heureusement, plutôt souvent les AVS viennent à leur rescousse pour entourer l'enfant dans la classe, se substituer à leur présence auprès de lui... mais pas à temps complet, ce serait trop beau !



L'enfant accueilli, lui, doit faire face à ses angoisses : le rythme de la classe, le bruit dans la classe (vingt à trente enfants qui apprennent, ce n'est jamais complètement silencieux), les attitudes et compétences sociales qui sont bien loin d'être claires pour lui. Alors, s'il se met à chantonner, s'il commence ses balancements, son flapping ou ses stéréotypies, ce n'est qu'un moindre mal. Cela devient plus douloureux s'il entre en crise : douloureux pour lui, pour ses parents qui en entendront forcément parler, pour les autres enfants qui peuvent être apeurés, pour l'enseignant qui se voit alors directement confronté à son impuissance, notre impuissance, qui voit toute sa bonne volonté mise à mal, et qui devient vite la cible des parents, pleins de récriminations, confrontés eux-mêmes à la douloureuse détresse face au handicap de leur enfant. Une vraie mise en abyme abyssale.

Et dire que tout cela ne se joue que par des choix politiques. C'est sûr, cela représenterait un coût pour l'État ; mais quid de toutes ces sommes que notre société verse dans le tonneau des Danaïdes des hôpitaux psychiatriques – ce tonneau qui n’a pas de fond car sans progrès, ou à l'étranger ?

Il serait peut-être l'heure de réfléchir autrement à l'école dite de l'inclusion pour accueillir ces enfants qu'on relègue au ban de notre société en ne les accueillant pas du tout ou en les accueillant mal. C'est juste une volonté politique, une volonté bien plus exigeante et humaine que l'école de l’intégration, qui finalement n'est qu'une école de la dés-intégration, une école où les parents se montent les uns contre les autres, s'en prennent à l'enseignant et où la transmission de savoirs émancipateurs se retrouve plus que mise à mal.


4 commentaires:

Laurent a dit…

L'article fait une description de l'inclusion canada dry çà prétend être de l'inclusion et çà n'en est pas. Parler d'inclusion comme avec le I de ULIS, çà n'a jamais suffit à pratiquer l'inclusion çà ne sert qu'à donner bonne conscience à ceux qui ghettoïzent.

L'inclusion effective existe en France mais elle se fait envers et contre une institution qui est décrite dans tous les rapports comme discriminatoire et pas seulement que pour les enfants avec handicap, pour les minorités ethniques et pour les classes sociales économiquement défavorisées.

Isabelle Resplendino a dit…

Tout à fait, Merci Laurent pour ce rappel.

Unknown a dit…

un très bel article mais une fois de plus souillé par un commentaire superficiel qui mélange la détresse ultime de parents face à un handicap majeur et des interprétations politico politiciennes. . Un problème apres l'autre mais de grâce hiérarchisons les priorités.

Je m'occupe d'abord de l'inclusion de nos enfants handicapés quand le problème sera réglé je m'occupe des populations ordinaires en détresse certes mais ordinaires.
faites l’expérience mettez un autiste et un pauvre immigré clandestins dans la rue et revenez un mois après . l'enfant autiste sera mort....

Isabelle Resplendino a dit…

Bonjour,

Je pense que toutefois tous nos enfants à besoins éducatifs particuliers doivent être pris en compte dans une société inclusive. Pour intégrer les populations immigrées avec succès, on doit commencer par le commencement : la petite enfance, l'école. Y faire participer leur famille.

Cela dit, le problème de la "concurrence" des causes ne date pas d'hier. Voyez le nombre de gens qui se mobilisent pour un chiot ou un chaton en détresse et ce qu'on laisse faire avec les enfants, de surcroît handicapés... Et pourtant, j'adore les animaux, mais quand même...

Tout le monde trouve normal qu'une entreprise puisse payer une amende pour ne pas embaucher de personnes handicapées.
Par contre, si on en faisait de même avec les femmes, les homosexuels, les gens d'une autre couleur de peau, d'une autre confession : tout le monde hurlerait au loup, et à raison.

Mais on peut se désoler que des quotas soient nécessaires, plutôt que de voir les qualités de la personne... Je n'ai pas de réponse pour ce dilemme : il n'y en a pas.