mardi 26 février 2013

Wolfgang et le syndrome d’Asperger : 2) L’école/une autre réalité


C’était (enfin !) l’heure de l’inscription à l’école. Wolfgang étant venu au monde vers la mi-mars, sa rentrée scolaire ne pouvait s’effectuer qu’à 30 mois révolus après période de vacances scolaires. Ce fut donc après les vacances d’automne, novembre 2003.
 
Il n’était pas propre, (ni verbal d’ailleurs). Mais qu’importe ! Pour la 1ère année en école maternelle ordinaire, en Belgique, ce n’est pas un problème. Pour les années suivantes, les heureux parents spécifient simplement qu’il porte des langes, pas de  problème, on le change… à l’école ORDINAIRE maternelle ! Sans aide !
 
Je sais combien cela peut paraître incroyable aux parents français. Mais je me rappellerai toujours ce pauvre directeur (belge) d’école à qui j’ai expliqué un jour, bien plus tard, qu’on refusait en France de scolariser à l’école ‘ordinaire’ les enfants qui n’avaient pas acquis la propreté : il avait failli tomber de sa chaise d’étonnement.
 
Enfin, le jour vint. « Juffrouw » Lut était fantastique et aimait beaucoup, cela se voyait, Wolfgang. Elle avait de l’expérience, était altruiste et Wolfgang était content d’aller à l’école, enfin moi je le sentais. Mais je ne peux pas vous dire qu’il le disait ou que cela se voyait.
 
C’était quand même un crève-cœur. Je voyais les autres enfants pédaler sur leur vélo pour se rendre à l’école, leurs mères courant derrière pour les suivre à grand peine. Je voyais ces enfants sans lange qui réclamaient les toilettes. Je les entendais parler. Je les voyais sourire. Wolf ne faisait rien de tout cela. La première fois qu’il a su simplement effectuer le mouvement pour pédaler, il avait 4 ans, et cela faisait tellement longtemps et tant de fois que j’essayais de lui apprendre…
 
Wolfgang et moi, nous devions toujours partir en avance pour aller à l’école à  pied, cette école était près de chez nous. Wolfgang marchait bien, mais il fallait toujours passer par le  même itinéraire, toucher les mêmes statues de jardin… sinon c’était une crise.
 

 

Les autres élèves mangeaient à la cantine. Cela a été impossible pour Wolfgang, même après que les demi-journées d’école soient devenues des journées entières : il refusait tous les aliments solides. À la maison, il avait pour déjeuner ce qu’il tolérait, des laitages.
 
Il n’a pas toujours eu par la suite des institutrices aussi compréhensives que Juffrouw Lut, qui l’acceptait tel qu’il était, sans langage, ne participant pas aux activités collectives et lui trouvant des activités pour lui. Une a bien essayé, mais elle n’est pas restée dans l’école, d’autres n’avaient pas les moyens, ou pas la volonté… Il s’est vite retrouvé à l’écart.
 
Le jour de la fête scolaire, il était dans un coin, le regard vide…
 
Il s’enfonçait. Quand j’allais le chercher à l’école, il ne supportait pas que je lui pose des questions sur sa journée, enfin il me le faisait comprendre en râlant vu qu’il ne parlait pas. Il pouvait avoir des bleus, des écorchures, impossible d’avoir un commencement d’explication. Un jour, enfin, (il avait passé 4 ans) son institutrice m’avoua qu’il tombait dès qu’il voulait courir. Je sautai sur l’occasion pour l’emmener chez mon médecin.
 
Le médecin m’avait toujours dit « il va se débloquer, parler d’un coup, mon propre fils était un ‘grand prématuré’ qui ne parlait pas et un jour à 4 ans il s’est mis à parler couramment ».
Vous raconterai-je que le pédiatre ne voyait lui non plus rien d’étrange dans le développement de notre fils ? Mais là on avait passé 4 ans, non seulement il ne parlait pas, mais il portait des langes jour et nuit et en plus il tombait souvent, et refusait toute nourriture solide…
 
Alors, le médecin décida de nous envoyer à l’hôpital pour enfants d’Anvers, dans le  service de neuro-pédiatrie.
 
Dès que la neuro-pédiatre vit Wolfgang, prenant connaissance des problèmes pour lesquels on la consultait, constatant qu’il ne croisait pas son regard, elle lâcha immédiatement que ses symptômes ressemblaient aux troubles du spectre autistique.
 
Elle me demanda moi, la mère, (sic) ce que j’en pensais. Les cinquante avis que j’avais pris avant pesaient lourd dans la balance, contre le sien qui corroborait pourtant celui que j’avais depuis si longtemps... Je bredouillai un condensé des excuses bidon dont mon entourage m’avait tellement abreuvée jusqu’ici qu’à cet instant-là j’avais fini par m’en persuader…
 
En même temps, je me rendais compte de l’absurde de la situation. Ce jour-là, je ne fus pas anéantie par l’annonce du handicap, ce fut un soulagement.
 
Nous sommes rentrés à la maison. Je me suis dit qu’il valait mieux que cela « tombe » sur nous, plutôt que d’autres qui auraient été plus désarmés devant la situation. Et puis, enfin mon mari ouvrait les yeux.
 

À suivre : un nouveau départ

 

 

 

2 commentaires:

l'hérétique a dit…

Ton récit est passionnant et...émouvant !
Le plus difficile, j'imagine, c'est quand tu as le sentiment que quelle que soit la direction dans laquelle tu regardes, tu te heurtes à un mur.
Je pense que tu dois mesurer tout le chemin parcouru aujourd'hui.
Tu as eu une volonté de fer.
Je t'admire.

Isabelle Resplendino a dit…

Merci merci (je vais rougir) !
En fait, le handicap de Wolfgang est la plus belle chose qui me soit arrivée...

Je n'étais pas vraiment égoïste avant, mais disons bien plus futile. Ces enfants-là font sortir le meilleur de nous, et même ils nous rendent meilleurs.

Au plus profond de son handicap, il n'y a quand même pas un seul jour où je n'ai été fière de lui.

C'est lui qui a fait tous les efforts, moi je n'ai aucun mérite.

Et l'école, car pratiquement toute sa rééducation s'est déroulée là.