C’était
(enfin !) l’heure de l’inscription à l’école. Wolfgang étant venu au monde
vers la mi-mars, sa rentrée scolaire ne pouvait s’effectuer qu’à 30 mois
révolus après période de vacances scolaires. Ce fut donc après les vacances d’automne,
novembre 2003.
Il
n’était pas propre, (ni verbal d’ailleurs). Mais qu’importe ! Pour la 1ère
année en école maternelle ordinaire, en Belgique, ce n’est pas un problème.
Pour les années suivantes, les heureux parents spécifient simplement qu’il porte
des langes, pas de problème, on le
change… à l’école ORDINAIRE maternelle ! Sans aide !
Je
sais combien cela peut paraître incroyable aux parents français. Mais je me
rappellerai toujours ce pauvre directeur (belge) d’école à qui j’ai expliqué un
jour, bien plus tard, qu’on refusait en France de scolariser à l’école ‘ordinaire’
les enfants qui n’avaient pas acquis la propreté : il avait failli tomber
de sa chaise d’étonnement.
Enfin,
le jour vint. « Juffrouw » Lut était fantastique et aimait beaucoup,
cela se voyait, Wolfgang. Elle avait de l’expérience, était altruiste et Wolfgang
était content d’aller à l’école, enfin moi je le sentais. Mais je ne peux pas
vous dire qu’il le disait ou que cela se voyait.
C’était
quand même un crève-cœur. Je voyais les autres enfants pédaler sur leur vélo
pour se rendre à l’école, leurs mères courant derrière pour les suivre à grand
peine. Je voyais ces enfants sans lange qui réclamaient les toilettes. Je les
entendais parler. Je les voyais sourire. Wolf ne faisait rien de tout cela. La
première fois qu’il a su simplement effectuer le mouvement pour pédaler, il
avait 4 ans, et cela faisait tellement longtemps et tant de fois que j’essayais
de lui apprendre…
Wolfgang
et moi, nous devions toujours partir en avance pour aller à l’école à pied, cette école était près de chez nous. Wolfgang
marchait bien, mais il fallait toujours passer par le même itinéraire, toucher les mêmes statues de
jardin… sinon c’était une crise.
Les
autres élèves mangeaient à la cantine. Cela a été impossible pour Wolfgang,
même après que les demi-journées d’école soient devenues des journées entières :
il refusait tous les aliments solides. À la maison, il avait pour déjeuner ce
qu’il tolérait, des laitages.
Il
n’a pas toujours eu par la suite des institutrices aussi compréhensives que
Juffrouw Lut, qui l’acceptait tel qu’il était, sans langage, ne participant pas
aux activités collectives et lui trouvant des activités pour lui. Une a bien
essayé, mais elle n’est pas restée dans l’école, d’autres n’avaient pas les
moyens, ou pas la volonté… Il s’est vite retrouvé à l’écart.
Le
jour de la fête scolaire, il était dans un coin, le regard vide…
Il s’enfonçait.
Quand
j’allais le chercher à l’école, il ne supportait pas que je lui pose des questions
sur sa journée, enfin il me le faisait comprendre en râlant vu qu’il ne parlait
pas. Il pouvait avoir des bleus, des écorchures, impossible d’avoir un
commencement d’explication. Un jour, enfin, (il avait passé 4 ans) son
institutrice m’avoua qu’il tombait dès qu’il voulait courir. Je sautai sur l’occasion
pour l’emmener chez mon médecin.
Le
médecin m’avait toujours dit « il va se débloquer, parler d’un coup, mon
propre fils était un ‘grand prématuré’ qui ne parlait pas et un jour à 4 ans il
s’est mis à parler couramment ».
Vous
raconterai-je que le pédiatre ne voyait lui non plus rien d’étrange dans le développement
de notre fils ? Mais là on avait passé 4 ans, non seulement il ne parlait
pas, mais il portait des langes jour et nuit et en plus il tombait souvent, et
refusait toute nourriture solide…
Alors,
le médecin décida de nous envoyer à l’hôpital pour enfants d’Anvers, dans
le service de neuro-pédiatrie.
Dès
que la neuro-pédiatre vit Wolfgang, prenant connaissance des problèmes pour
lesquels on la consultait, constatant qu’il ne croisait pas son regard, elle
lâcha immédiatement que ses symptômes ressemblaient aux troubles du spectre
autistique.
Elle
me demanda moi, la mère, (sic) ce que j’en pensais. Les cinquante avis que j’avais
pris avant pesaient lourd dans la balance, contre le sien qui corroborait
pourtant celui que j’avais depuis si longtemps... Je bredouillai un condensé des
excuses bidon dont mon entourage m’avait tellement abreuvée jusqu’ici qu’à cet
instant-là j’avais fini par m’en persuader…
En
même temps, je me rendais compte de l’absurde de la situation. Ce jour-là, je
ne fus pas anéantie par l’annonce du handicap, ce fut un soulagement.
Nous
sommes rentrés à la maison. Je me suis dit qu’il valait mieux que cela « tombe »
sur nous, plutôt que d’autres qui auraient été plus désarmés devant la
situation. Et puis, enfin mon mari ouvrait les yeux.
À suivre : un nouveau départ
2 commentaires:
Ton récit est passionnant et...émouvant !
Le plus difficile, j'imagine, c'est quand tu as le sentiment que quelle que soit la direction dans laquelle tu regardes, tu te heurtes à un mur.
Je pense que tu dois mesurer tout le chemin parcouru aujourd'hui.
Tu as eu une volonté de fer.
Je t'admire.
Merci merci (je vais rougir) !
En fait, le handicap de Wolfgang est la plus belle chose qui me soit arrivée...
Je n'étais pas vraiment égoïste avant, mais disons bien plus futile. Ces enfants-là font sortir le meilleur de nous, et même ils nous rendent meilleurs.
Au plus profond de son handicap, il n'y a quand même pas un seul jour où je n'ai été fière de lui.
C'est lui qui a fait tous les efforts, moi je n'ai aucun mérite.
Et l'école, car pratiquement toute sa rééducation s'est déroulée là.
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