lundi 3 septembre 2012

Réflexion sur la dépendance dans l’analyse (Par Jean Cottraux)



Extrait d’un échange publié avec l’aimable autorisation de l’auteur :

Il faut bien voir que la dépendance est créée de plusieurs manières :

1. Le désir de guérir même si cela doit être long ;
2. Le désir de devenir psychanalyste par ce que c'est valorisant socialement ou les deux ;
3. La pression de conformité du groupe : l'analyse est la seule solution ;
4. Le dispositif : pas de contact empathique et trois ou quatre fois pas semaine une heure : l'analyse devient le centre de la vie. Pour les psys universitaires les années d'analyse correspondent à un trou dans le CV de publication car on ne peut pas faire autre chose que de perdre huit heures par semaine (séances plus trajet) et gagner de l'argent pour les payer. En fait on retrouve un dispositif qui crée la dépendance comme dans les sectes car il envahit toute la vie. La règle d'abstinence consiste à dire à la personne en analyse de ne pas prendre de décisions importantes durant son analyse. Si elle dure dix ans on peut imaginer le résultat.
5. La dépendance économique : la seule manière de se rembourser est de devenir analyste.


Image : L'Oiseau-Lire

6. Certains analystes ont même écrit qu'il fallait un certain degré de masochisme moral érogène pour faire une analyse.

Cette dépendance survient surtout chez les gens dépressifs et anxieux (et ils sont nombreux) Les analystes disent souvent que ceux qui sont de mauvais candidats à l'analyse sont ceux qui ont des déficits de la pensée et ceux qui pensent trop bien, ou ont une forte personnalité, ou ne souffrent pas assez.



En fait de nombreuses personnes se dégagent de la psychanalyse : 30% au moins dans la statistique de Knight de 1941 arrêtent dans les six premiers mois. Tous les pionniers de la TCC à l'exception de Skinner avaient fait une analyse ou un début d'analyse. Jean Piaget a lui aussi quitté l'analyse et proposé un modèle de l'inconscient différent.



À mon sens ce qui immunise est :

a) Une bonne culture scientifique préalable qui aboutit à mettre en question le creux du système interprétatif ;
b) Une bonne culture littéraire et philosophique qui démonte les prétentions à l'originalité du système et souligne à l'analyste les banalités de ses interprétations, ou leurs plagiats pompeux. Je reste persuadé que l'analyse est une manière pour des petits bourgeois incultes de se donner l'illusion de participer à une grande aventure culturelle. En France les intellectuels français les vrais : Proust, Gide, Valéry, Sartre, Roger Caillois, Camus etc. ne sont pas tombés dans le panneau et Onfray a suivi leurs traces.
c) Une vie personnelle suffisamment satisfaisante ;
d) La possibilité de faire une carrière plus originale en dehors ou contre l'analyse ;
e) Des traits de personnalité que les analystes redoutent : le non-conformisme, l’esprit de contrariété, l'absence de soumission à l'autorité ou l'ouverture etc.


Image : Dakone

Le phénomène de dépendance transférentielle ne se retrouve pas dans les TCC car elles encouragent l'autonomie et une grande partie de la thérapie se passe dans la vie réelle. le transfert et la régression sont découragés, l'alliance se fait sur le mode collaboratif. Les thérapies humanistes en groupe ont présenté des phénomènes d'addiction et de décompensation similaires surtout en cas de leader narcissique. Vous trouverez toutes les références dans le chapitre de mon livre : "les psychothérapies efficaces" sur les thérapies humanistes.


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