mercredi 15 février 2012

Autour du "Mur"

Un courrier de Cinzia Agoni, Présidente d'Inforautisme :

Les psychanalystes interviewés dans « Le Mur » se ridiculisent par leurs propres mots et ce n’est pas un beau spectacle, j’en conviens. Mais n’oublions pas que même si ces mots ont été sortis de leur contexte, ils ont été prononcés, cela n’est pas un montage… Beaucoup de parents témoignent avoir entendu ces propos dans la bouche de nombreux professionnels, et cela encore aujourd’hui…

Indépendamment de la qualité du film, je suis étonnée du non respect de la liberté d’expression du réalisateur. L’association internationale des journalistes a aussi réagi… un appel au tribunal de Lille est d’ailleurs en cours.

Le fond du problème n’est pas, pour moi, une guerre d’écoles, qui pourrait se résoudre par une meilleure compréhension mutuelle. Nous en sommes à un refus clair et sans appel par les parents et les associations qui les représentent de la psychanalyse comme prise en charge thérapeutique de l’autisme.

La thèse psycho-dynamique de l’autisme est révolue et a été balayée par les progrès de la science en génétique, biologie et biochimie, imagerie médicale… Les données récentes de l’imagerie cérébrale ont mis en exergue des différences fondamentales dans le cerveau autistique. Les témoignages des personnes autistes de haut niveau font état d’un fonctionnement de pensée bien différent du nôtre, dont il faut tenir compte dans le cadre de leur prise en charge, éducation et support. La psychanalyse, quant à elle, utilise notre modèle de pensée « neurotypique » et interprète le fonctionnement autistique sur cette base. C’est une erreur méthodologique fondamentale.



Les associations de parents s’alignent sur l’avis de la communauté internationale et des nombreux spécialistes reconnus comme le Pr. Gillberg en Suède, le Pr. Van der Gaag aux Pays Bas, les Pr. Mesibov aux USA, le Pr. Rogé en France, les Pr. Steyaert, Magerotte et Willaye en Belgique, etc., ainsi que toute l’équipe de Participate (asbl réunissant tous les centres de référence de l’autisme et les associations de parents belges représentatives). Ces professionnels confirment que les seules approches ayant prouvé - dans le cadre d’études scientifiques rigoureuses - une amélioration tangible et mesurable en termes d’adaptation au monde et d’épanouissement des personnes autistes, sont les approches éducatives. Il existe de nombreuses revues d’études internationales le démontrant. Je précise que les approches éducatives ne se réduisent pas au comportementalisme. Elles englobent entre autres différentes méthodes de communication (ex. : PECS), de même que l’approche systémique et l’analyse fonctionnelle des troubles du comportement.

Quant à mon opinion personnelle sur la psychanalyse, elle est négative, et j’en ai une expérience directe dans la prise en charge de mon enfant. Je me garde de généraliser ce discours négatif à partir de mon expérience. Par contre, je signale que je suis confrontée régulièrement à des plaintes de parents qui passent par la filière analytique et qui en ressortent cassés par la « culpabilisation » d’avoir produit un enfant autiste. Surtout, ils dénoncent les « traitements » subis par leurs enfants, laissés sans apprentissages et sans outils de communication, car « il faut d’abord travailler la relation ». A long terme, cela résulte en un sur-handicap très dommageable à l’âge adulte.

J’ai aussi lu de nombreux ouvrages de psychanalystes renommés et notamment : Bettelheim (avec sa théorie du retrait autistique face aux menaces inconscientes de mort provenant de la mère), Winnicott (avec son concept de « mère suffisamment bonne »), Tustin (avec sa théorie de « trous noirs »), Anzieu (avec son concept de « moi peau »), Delion (avec ses théories justifiant le « packing »)…. et je me suis faite une opinion circonstanciée. Je ne peux pas accepter comme des vérités irréfutables des théories basées sur des dogmes qui n’ont ni validation scientifique ni évaluation des résultats. J’estime que l’on ne peut pas traiter l’autisme sur base de croyances et spéculations intellectuelles, même si celles-ci sont intelligentes et proviennent de professionnels réputés et estimés. La qualité humaine de ces professionnels, si grande soit-elle, n’implique en rien la validité scientifique de leurs théories.

Pour l’heure, nous sommes confrontés à une réalité effrayante : l’exode en Belgique de milliers de personnes handicapées françaises, dont beaucoup d’autistes, qui fuient les prises en charge à tendance analytique de leur pays. On se doit de les entendre. Les centres et les écoles frontalières de la Belgique francophone sont envahis (voir le reportage récent du JT de France 3 : http://www.youtube.com/watch?v=VWQ635DozrE

A tout effet, je vous informe que depuis 2008, l’INAMI interdit l’utilisation du packing dans les centres qu’elle agréée en Belgique. La Ministre Tillieux vient de prendre position dans le même sens devant le Parlement wallon ce 24 janvier. Le Pr. Delion (cité dans le courriel plus bas) qui défend cette pratique pour laquelle il demande l’autorisation d’effectuer une étude, fait l’objet d’attaques virulentes à juste titre : cette pratique s’apparente à une torture et va à l’encontre des droits fondamentaux de l’homme. Il y a quelques décennies, on utilisait largement la sismothérapie sur de nombreux patients ayant des pathologies mentales… Une telle comparaison n’est pas opportune, mais l’histoire nous incite à rester vigilants devant des expérimentations qui provoquent une souffrance physique. Il ne faut pas que cela se reproduise avec le packing. En tant que responsable d’une association de parents, je compte suivre de près cette question, par voie de justice s’il le faut.

Merci de m’avoir lue

Pour inforautisme asbl
Cinzia Agoni
Présidente







1 commentaire:

mithys a dit…

La prévention de l'autisme, pour toutes les futures mères, ne commencerait-elle pas par une communication in utero ?