vendredi 2 septembre 2011

On scolarise, mais dans quelles conditions ?

La scolarisation de tous les enfants atteints de handicaps fut la promesse qui fit remporter le débat télévisé par le candidat Nicolas Sarkozy, et par là-même, probablement les élections présidentielles.
 
Cette année, le Président a annoncé lors de la conférence nationale du handicap le recrutement [de 2000] auxiliaires de vie scolaire pour la dernière rentrée scolaire avant la remise en jeu du quinquennat.
 
Or, les suppressions des postes d’enseignants spécialisés se sont poursuivies ces dernières années pour cause de rigueur budgétaire, l’argumentation du ministère étant que les compétences des enseignants du milieu ordinaire devaient se rapprocher de celles des enseignants du milieu spécialisé pour une meilleure intégration. En effet. Mais sans la formation adéquate, cela tient plus du vœu pieux que de la réalité…
 
Dans les années 1970, la plupart des pays dits alors « riches » se lancèrent dans une politique volontaire d’éducation à destination des élèves à besoins spécifiques, que ce soit par un réseau d’enseignement spécialisé, ou par une intégration massive.
 
La France, elle, se contenta de « mesurettes » qui perdurent aujourd’hui… Quatre décennies plus tard, les drames humains sont toujours là… Sans parler de l’autisme, dont les méthodes éducatives sont la plupart du temps ignorées au « bénéfice » de la psychiatrie analytique, avec les résultats qu’on connaît…
 
Pour combler son retard, la France ayant ratifié la Convention Internationale des Droits des Personnes Handicapées, (voir l’article 24 sur l’éducation), article qui prône l’inclusion réelle, ce pays ne doit pas se lancer aujourd’hui dans la création d’un réseau d’enseignement spécialisé.
 
Plutôt, qu’il passe directement à l’étape des classes inclusives, telles que pratiquées en Finlande, au Québec, dans certains états des États-Unis et, plus récemment, en Belgique. (Voir à 15’50’’ un reportage télévisé d’Outre-Quiévrain). Ces classes ont une véritable « mixité » de leurs effectifs, avec environ un quart d’élèves à besoins spécifiques, le reste de la classe n’étant pas reconnu comme tel.
 
Ces classes ont un binôme d’enseignants, dont l’un est spécialisé. Tous deux s’occupent de la classe entière. Ainsi, c’est aussi la fin de l’échec scolaire pour tous les élèves, la totalité de l’effectif bénéficiant des techniques de remédiation et du soutien d’un enseignant aguerri à détecter les difficultés d’apprentissage et autres problèmes. Tandis que les enfants à besoins spécifiques et l’enseignant spécialisé apprennent à travailler sur le programme scolaire ordinaire et selon ses rythmes.
 
Les enfants en inclusion y bénéficient aussi d’un soutien en orthophonie, psychomotricité, psychologie, au sein même de l’établissement.
 
Naturellement, pour certains enfants, les difficultés étant trop grandes (provisoirement ou plus durablement), l’alternative de recourir à une classe entièrement spécialisée au sein d’un établissement ordinaire doit côtoyer la classe inclusive, l’idéal étant de disposer des deux formules pour chaque niveau, et de la souplesse qui permette de passer de la classe spécialisée à la classe inclusive le moment venu.
 
Qui aura la volonté de faire rentrer notre pays dans le XXIe siècle en respectant les textes qu’il a signés et ratifiés ? Et quand ?

15 commentaires:

FB a dit…

J'ai eu l'occasion d'échanger il y de cela quelques années avec deux collègues suisses qui fonctionnaient en effet en binôme, ainsi que vous l'expliquez.

Malheureusement, ce restera un vœu pieux en France. En effet on préfèrera continuer de scolariser les élèves à besoins spécifiques dans les CLIS (Classes d'Inclusion Scolaire qui n'ont "d'inclusion" que le nom puisque réservées à ces seuls élèves) qui accueillent 12 enfants, plutôt que de les inclure dans les classes ordinaires. Car à raison d'un quart d'élèves à besoins spécifiques, l'effectif serait globalement limité à 8, et donc nécessiterait l'embauche et la formation d'enseignants spécialisés. Faut pas rêver. Sinon, connaissez-vous le montant mensuel de la prime allouée aux enseignants de CLIS (à condition d'être titulaire du diplôme d'enseignant spécialisé) ? 80€ Avouez que cela ne leur donne guère envie de s'investir dans une formation en sus de la formation initiale, ni d'accepter de prendre en charge la scolarité de ces élèves à besoins spécifiques.

Isabelle Resplendino a dit…

Oui, mais la grande force de ces classes inclusives est que tous les enfants ne sont plus en échec. Plus de redoublement, car les enfants intégrants bénéficient aussi de la présence dans la classe de l'enseignant spécialisé.
Savez-vous combien le redoublement coûte chaque année à la France ? 2 milliards 240 millions d'euros. Vaut mieux donc investir dans une véritable inclusion scolaire.
Et savez-vous le prix de journée d'un hôpital ? cela peut atteindre des sommes folles. Je vous assure que l'inclusion scolaire sera bien plus économique... Et même une revalorisation convaincante du salaire de l'enseignant spécialisé.

FB a dit…

Pas de quiproquo, j'espère. J'agrée complètement au modèle d'inclusion que vous évoquez (petit groupe dans une classe "ordinaire" avec un binôme d'enseignants. Quant aux CLIS, après y avoir exercé pendant 17 ans (CLIS 1, handicap mental), je lui trouve les inconvénients de ses avantages. Car si elles permettent effectivement de réduire chez ces élèves le sentiment d'échec scolaire (et donc revaloriser l'estime de soi), le fait est qu'en scolarisant dans la même classe ces 12 élèves, ils n'ont devant eux comme "modèle" d'élève d'autres enfants ayant les mêmes difficultés qu'eux, voire plus encore. Ils ne sont donc malheureusement pas "tirés vers le haut".

Le problème du redoublement, même si je n'en mésestime pas le coût, est autre pour moi, car si je ne connais pas les chiffres, je ne pense pas qu'il concerne en majorité des élèves qui pourraient bénéficier d'un dispositif d'inclusion dans le cadre d'un Projet Personnalisé de Scolarisation et donc relevant d'une saine de la MDPH.

Enfin lorsque vous écrivez que ", car les enfants intégrants bénéficient aussi de la présence dans la classe de l'enseignant spécialisé (en CLIS, ce n'est pas malheureusement pas toujours le cas. Ainsi, dans mon bassin de formation dans le département du Nord, il y a actuellement 14 CLIS 1. Seulement 3 sont "occupées" par des enseignants "spécialisés". Les 11 autres restant vacantes d'une année à l'autre, on y expédie de jeunes collègues débutants dont c'est bien souvent le premier poste et qui s'empressent, mais je crois qu'on peut les comprendre, de s'en "enfuir" dès l'année suivante.

Tant qu'on ne mettra pas en place une politique de valorisation (pas seulement salariale, mais aussi) des postes d'enseignants spécialisés, je crains fort qu'on ne continue non pas de mettre en place une véritable politique d'inclusion des élèves à besoins spécifiques, mais d'en donner seulement l'illusion.

Isabelle Resplendino a dit…

Re-bonsoir,

Non pas de quiproquo, j'avais bien compris cela.

Pour le redoublement, je parlais de tous les élèves, à savoir aussi (et surtout) les élèves intégrants (c'est à dire les élèves relevant de l'enseignement ordinaire), bref pas seulement les élèves intégrés. Car dans ces classes, le redoublement est devenu caduc, les élèves "ordinaires" bénéficiant d'une prise en charge de leurs problèmes et difficultés par le binôme, et surtout l'enseignant spécialisé : pour que cette "formule" soit la plus efficiente possible, les 2 enseignants doivent s'occuper de toute la classe.

En ce qui concerne le diplôme spécialisé, je sais qu'en France il n'est pas obligatoire pour enseigner en classes d'inclusion, et c'est regrettable.

En Belgique, nous avions créé dans les années 1920 les "classes pavillons", l'équivalent de vos Clis et Ulis. Le diplôme d'enseignant spécialisé était nécessaire pour y enseigner. En 1970, il fut créé un réseau d'enseignement spécialisé. En 1993, les syndicats obtinrent que le diplôme spécialisé ne soit pas obligatoire pour y enseigner, ce qui est préjudiciable pour les enfants.

Néanmoins, dans les classes inclusives (celles que je connais) les enseignants y sont diplômés - mais, vu les dispositions légales, je ne pense pas que cela soit obligatoire.

Il faut en effet rendre à ce métier ses lettres de noblesse, et ce sera bien par une valorisation morale qu'on y arrivera aussi.

Dans les études qui ont été menées sur ces classes, on voit que pour certains, leur direction a dû un peu "obliger" certains enseignants à participer à l'expérience (pas la majorité, loin s'en faut).

Néanmoins, après un temps d'adaptation, les enseignants s'y sont faits et ont apprécié (il n'est pas facile de travailler en équipe quand on a été habitué à diriger sa classe seul).

Dans une étude comparative entre l'enseignement inclusif, ordinaire et spécialisé sur des enfants atteints de troubles d'apprentissage, il est remarquable de constater que les enseignants en classes inclusives ne prenaient plus de jours de maladie, sauf raison grave : membre cassé, grossesse.

Alors qu'on peut penser qu'étant à deux dans une classe, on pouvait, si on hésitait en étant patraque/malade le matin, se laisser plus facilement convaincre de rester chez soi. Cela en dit long sur la motivation de ses équipes, dont certains membres, au départ, étaient réticents pour se lancer.

Deux de ces classes ont eu des résultats moins probants : ce sont celles où le professeur spécialisé s'est occupé seulement des enfants inclus : la "mayonnaise" n'a pas pris.

Dans l'école de Brugelette que vous voyez dans le reportage, à la fin de l'année précédente, au bout de deux ans, pour les enfants inclus qui avaient au départ de l'expérience des résultats scolaires de - 25 % que les autres, cet écart s'était réduit à 9 %, l'ensemble de la classe ayant une moyenne supérieure à la moyenne nationale.

L'année dernière, nous avons attaqué la 3e année. La classe de 3e précédente, qui n'était donc pas encore inclusive, avait eu 4 redoublants sur 28 élèves - un sur 7 - (dans cette école, le conseil de classe demande le redoublement si l'élève n'a pas une moyenne de 55 %). À la fin de la nouvelle année scolaire, la nouvelle classe de 3e n'a pas eu un seul redoublant, comme dans les autres classes inclusives.

Cette année, le rapport d'inspection général devrait sortir je pense (il était un peu tôt pour le faire, ces expériences étant récentes en Belgique francophone) : je crois qu'il sera instructif.

FB a dit…

Je vais demander la nationalité belge.

Isabelle Resplendino a dit…

Pour tout dire, je viens de la demander : je devrais l'obtenir dans moins de 4 mois. J'ai appris récemment qu'on peut conserver sa nationalité française (disposition de 2009)
Toutefois, il faut résider depuis assez longtemps en Belgique ou avoir épousé un(e) Belge !

FB a dit…

Je ne suis dans aucun de ces deux cas.

Mais vous aviez compris que j'utilisais le second degré, même si la CLIS dans laquelle j'ai autrefois exercé était à 200 mètres de la frontière.

Sinon, à l'instar de vos collègues, durant ces 17 années, je n'ai pris que 2 jours d'arrêt maladie. Tout simplement parce que ces élèves restant avec moi pendant 3, 4, voire 5 années, le lien qui se tisse avec eux est quelque peu différent de celui qu'on peut avoir avec des élèves d'une classe ordinaire.

J'aurais eu le sentiment de les abandonner.

Isabelle Resplendino a dit…

Merci pour votre témoignage, oui, ces enfants font sortir le meilleur de nous, ils nous rendent meilleurs...

Françoise Boulanger a dit…

Très beau billet, Isabelle, clair, bien expliqué, auquel je souscris intégralement tu le sais.
Devrais-je moi aussi me trouver un passeport belge ? Non, je crois que la France va arriver tôt ou tard à ce genre de fonctionnement. Plusieurs personnes de valeur sont justement les invités des prochaines UR : Jean-Paul Brighelli, Claire Mazeron et Frédérique Rolet. J'ai confiance dans le futur programme.

Isabelle Resplendino a dit…

Claire Mazeron, tu dis ? Pourquoi pas fouetter les gosses aussi ? Elle déteste les spécialistes en sciences de l'éducation ? Elle rejette l'école nordique ? Je peux lui montrer les miracles qu'ils font sur les autistes, et l'échec scolaire à 0 % pour tous de leurs classes inclusives.

Mais elle préfère sans doute ceux qui pratiquent le packing dessus, comme en France, sans même en avertir les parents parfois si ce sont des autistes non verbaux(pratique, ils ne vont pas le répéter). Récemment, il y a même un gamin qui est mort étouffé. Tu trouves ça bien, toi, qu'on les emmaillote entièrement avec des linges mouillés froids, voire passés au congélateur ? Avec cette politique désatreuse,80 % des autistes en France ne sont pas autonomes à l'âge adulte, alors qu'on estime au contraire qu'avec les méthodes éducatives (oui, celles des spécialistes en sciences de l'éducation)80 % peuvent être autonomes.

On va voir si les beaux préceptes de ceux qui rejettent les sciences éducatives font qu'un gamin autiste qui ne parlait pas, ne mangeait que de la nourriture liquide, portait des langes jour et nuit à 5 ans feraient qu'à 9 ans il était le meilleur élève de primaire de la Communauté française de Belgique, avec un bulletin qui flirte avec les 100 %. Et qu'on vienne pas me dire que le programme scolaire belge est + facile que le français, car c'est largement le contraire.

M'enfin, si tu trouves que le programme éducatif de François est de qualité, toi qui as travaillé au commission, il y a très peu de choses d'elle dans ce livre, donc c'est son travail qu'elle doit remettre en cause. Dans un cas comme dans l'autres (soit François a tort, soit c'est la commission), elle n'a plus de raison d'être.

JF le démocrate a dit…

Autant dire la vérité Isabelle: tu le sais, j'ai été vacataire pendant près d'une année scolaire dans l'Education Nationale. Dans la classe de 3ème dont j'étais censé m'occuper à plein temps, il y avait un élève qui présentait un handicap.

Ce n'est ni le chef d'établissement, ni l'infirmière (à temps partiel évidemment) du collège qui me l'ont dit. Il a fallu que ce soit l'élève lui-même qui me le dise. D'ailleurs, devant une telle organisation, je me suis barré juste avant qu'un PPE ait pu être mis en place pour cet élève... Parce qu'il faut des mois et des mois pour ça (8 mois dans le cas présent)

Et parce qu'on n'avertit même pas les profs... (Remarque, lors de mon premier cours, je ne savais même pas qu'il n'y avait pas de feutres pour écrire au tableau blanc dans la classe: personne n'avait pensé à me le dire).

Vive l'Education Nationale!!!

Isabelle Resplendino a dit…

Voilà. Voilà l'Educacon nationale dans toute sa splendeur. Et vous voulez vraiment qu'on fasse de futurs citoyens autonomes et responsables ?
Quelle horreur !
Merci JF pour ton témoignage, ô combien révélateur...

Demoniatos a dit…

Sous un pseudo, mais tu reconnaîtras...

Voici le résultats de tant de chamailleries entre prof et principal de collège. Si j'ai quitté le collège, c'est uniquement à cause de ce type qui voulait à tout prix devenir proviseur, avant de prendre sa retraite l'année prochaine, pour une retraite mieux rémunérée. Donc dans cet intervalle, il ne fallait surtout pas faire de vague...

http://www.lavoixdunord.fr/Locales/Valenciennes/actualite/Autour_de_Valenciennes/Le_Denaisis/2011/09/07/article_nouveau-proviseur-du-lycee-mousseron-jea.shtml

demoniaticos a dit…

Bref, si tu veux parler d'enseignement, plus jamais ça! Un principal de collège qui "écrase tout" parce qu'il veut que son collège soit médiatiquement exemplaire, qui ne veut entendre aucun problème, parce que sa retraite - et donc sa promotion en tant que futur proviseur - est en jeu...

Un seul con lui a dit en gros, mais j'insiste, de manière totalement figurée, avec les mots qui vont bien devant un nouvel "Empereur Palpatine": "va te faire foutre!". Mais le con est au final disqualifié.

Le con n'a pas envie de travailler sous un Palpatine qui n'en à rien à battre de son collège, alors le con réagit à la colère de "son maître" : au point de prendre le dessus et de lui dire "d'ici dès demain vous aurez ma lettre de démission sur votre bureau, et en attendant, c'est vous qui ferez les cours de maths."

Un mois après que je sois finalement remplacé par un étudiant... Mais en attendant, le type a été nommé proviseur, ce qu'il cherchait, pour une meilleure retraite. CQFD

Que ce type ait pu être nommé proviseur de lycée, selon mon expérience du bonhomme, est une hérésie pure et simple... Une authentique insulte à l'Education Nationale.

Isabelle Resplendino a dit…

Oh, mon Dieu, ça donne pas envie d'y aller travailler, ça... les jeunes, ne lisez pas ces commentaires !
Vraiment, l'EN a besoin d'une révolution : qui osera ? Réponse (ou pas) en 2012...