samedi 23 octobre 2010

Il est des colères saines

À la faveur d'échanges de mails avec un ami, qui me faisait remarquer que parfois je manquais de recul pour parler de choses qui me parlaient à coeur, il m'a suggéré l'écriture d'un billet à ce sujet. Je n'ai pas su déterminer si c'était à propos du fait divers qui m'avait indigné et qui faisait l'objet de l'échange, ou bien sur ma tendance - toute méditerranéenne - à m'emporter trop vite.

Comme je trouve important de répondre aux deux, je mets ici le lien du fait divers que je me suis empressée de diffuser :

L'article concernait une manifestation du collectif "ni pauvres, ni soumis", où la répression policière a été le sujet de mon indignation. Mon ami me faisait remarquer qu'on devait s'assurer par recoupements de la véracité de l'affaire avant de diffuser. C'est à juste titre. Cependant, j'ai relayé cette information relevée sur facebook. Elle date de 2008. Un peu tard sans doute pour s'indigner, mais pour que les médias traditionnels s'emparent de cette histoire, il faut que l'internet fasse le tam-tam, offrant une nouvelle diffusion deux ans plus tard. C'est à déplorer, mais les médias traditionnels sont si muselés, de nos jours, en France...

Je vous laisse soin de juger par vous-mêmes de la vidéo de l'article. Elle est parlante, je dirais même criante.

Je dis ici que j'assume mes actes et mes dires passés, même si j'en regrette certains, pour avoir été trop violente, sous le coup de l'émotion. Cependant, je n'hésite pas alors à le reconnaître publiquement. J'ai plusieurs limites qui me sont, si j'ose dire, intrinsèques (bouh le vilain choix du mot) :

  • Faire attention à ne pas blesser injustement (je n'y arrive pas toujours, maladresse ou peur de trop tendre la joue)
  • Discrétion professionnelle (j'ai choisi de ne pas recourir à l'anonymat, mes précédents billets étant signés d'un pseudonyme non secret)
  • Discrétion politique afin de ne pas causer du tort aux causes que je défends.
  • Enfin, lorsqu'il y a des écrits que je sais ne pas pouvoir assumer par la suite, je m'autocensure. Je peux assumer un propos qui a dérapé, en reconnaissant cet excès. Pas un propos que je n'ai aucune excuse, aucune raison, aucun motif (à mon avis) d'avoir tenus.

Et, puisqu'on parle de causes qui me tiennent à coeur, je voudrai revenir en arrière. En 2007. Ce soir-là, un débat télévisé d'entre-deux tours des élections présidentielles opposait Nicolas Sarkozy à Ségolène Royal.




Ce soir là, incrédule, j'ai vu le débat - et probablement les élections - basculer sur le sujet dont j'ai fait le combat de ma vie. C'était d'autant plus incongru, que les protagonistes avaient tort tous les deux alors.

Ségolène, comme moi parfois, a perdu son sang-froid en entendant Nicolas affirmer qu'il ferait que tous les enfants handicapés seraient scolarisés s'il était élu. Il promettait une loi opposable en ce sens.

Combien cette loi était utile ? La législation de l'époque était alors bien suffisante pour faire condamner l'état pour défaut de scolarisation. De plus, qu'est-ce que la promulgation d'une loi, si les moyens ne suivent pas ?

Mais Ségolène n'a pas relevé. Elle s'est indignée parce qu'elle avait fait handiscol, parce qu'elle avait permis la scolarisation d'enfants handicapés en grand nombre en maternelle, et que la droite revenue au pouvoir avait abrogé cette disposition. C'est vrai, mais avec un encadrement et des moyens insuffisants, Ségolène, on envoie ces enfants au casse-pipe...

On sait depuis ces élections que les mesures que le gouvernement a prises en la matière ont été :

  •  l'arrêt du remboursement des frais de transports des enfants vers les instituts ;
  • la non-reconduite du contrat de nombre d'Auxiliaires de Vie Scolaire
  • la gestion de ces emplois par les associations : le désengagement de l'État 
  • les dettes de cet État envers les MDPH 
  • j'en passe...

Et que toutes les belles dispositions prises sur papier ne sont pas suivies d'effets dans la réalité. Bien sûr, on n'a plus non plus JAMAIS entendu parler du droit opposable à la scolarité... Oh, oui tout enfant est INSCRIT à l'école, et s'il est scolarisé une heure par jour ou par semaine, on le compte dans la catégorie "scolarisé".

Oui, Ségolène a perdu le débat à cet instant-là, à cet instant précis, pourtant, les parents des enfants handicapés en France savent aujourd'hui qu'elle a eu raison, non pas sur la réponse à Nicolas qui n'était pas complète, non pas sur les choses qu'elle avait mises en place et qui n'étaient pas complètes non plus, mais elle a eu raison de se mettre en colère.

Car il est des colères saines, oui, mon jeune et cher ami, il est des colères saines.

Si vous cherchez un extrait vidéo de ce débat sur Internet, bonne chance, car depuis, la censure est passée par là, pas l'autocensure, mais celle qui consiste pour le gouvernement en place d'effacer le plus possible les traces de ses anciennes promesses non tenues...

La réaction d'étonnement de mes amis belges le lendemain de ce débat, amis qui en on tant à redire sur la politique française quant à l'enseignement destiné aux enfants à besoins éducatifs particuliers : les écoles frontalières accueillent plus que de petits Français que de petit Belges...

À propos, c'était pas une promesse du candidat Sarkozy ça, le retour des "exilés de Belgique" ?

P.S. (Sans jeux de mots) : billet plus long que d'habitude. Il faut croire que l'ami dont je parle est contagieux...











5 commentaires:

philippe a dit…

Je crois que les illusions de la politique est au reflet de ceux qui en font ... et surtoout celles et ceux qui gouvernent, un monde rempli d'espoir et vite tombé dans l'oubli, la politique est de plus en plus incompréhensible...

Mirabelle a dit…

certes, il est des colères saines, et les tiennes le sont certainement.
A mon sens l'exemple de Ségolène Royal lors de ce débat n'est pas bien choisi ... sa colère était feinte, elle voulait simplement faire un "coup d'éclat" à la Mitterrand ... mais l'élève n'a pas su dépasser le maître !

Isabelle Resplendino a dit…

Remarque pertinente, Mirabelle.

Je ne m'étais pas posée la question de savoir si la colère était sincère ou pas, mais en tous cas elle était justifiée, et c'était le sens de mon propos.

Je dois dire que, rétrospectivement, cette scène me reste en travers de la gorge quand on voit ce qu'il est advenu aujourd'hui des promesses du candidat devenu président, particulièrement sur celle-là où il a remporté le débat et peut-être les élections, mais y a perdu son âme si ce n'était déjà fait.

Françoise Boulanger a dit…

Eh bien tu vois, ta "colère saine" me fait automatiquement penser à celle de François Bayrou lors de son face à face avec DCB...
Telle la "sainte colère du Christ" chassant les marchands du temple !

Isabelle Resplendino a dit…

Oui, dommage que les Français n'aient rien compris non plus ce soir-là...